ARDENTE PATIENCE

Théâtre de l'Epée de Bois
La Cartoucherie
Route du Champ de Manœuvre
75012 PARIS

Jusqu'au 20 octobre 2013
Les jeudis, vendredis et samedis à 20h30
Samedis et dimanches à 16h00

Merci de cliquer sur J'aime
Mis en ligne le 5 octobre 2013

Ardente patience

Au XIXème siècle, Arthur Rimbaud écrit dans l'Adieu, son dernier poème d' « Une saison en enfer » cette phrase magnifique :
« Et à l'aurore, armés d'une ardente patience, nous entrerons aux splendides villes. »

Image saisissante que cet oxymore, repris par Pablo Neruda dans son discours de réception du Nobel de littérature, le 13 décembre 1971 :
En conclusión, debo decir a los hombres de buena voluntad, a los trabajadores, a los poetas que el entero porvenir fue expresado en esa frase de Rimbaud: sólo con una ardiente paciencia conquistaremos la espléndida ciudad que dará luz, justicia y dignidad a todos los hombres.
Así la poesía no habrá cantado en vano.

Placée sous le sceau de ces deux grands poètes, comme la pièce d'Antonio Skarmeta l'adaptation de Michael Batz baigne dans une totale poésie.

Poétique, la scénographie, superbe, dominée par ces figures de proue suspendues, référence aux collections du poète, qui nous emmène sur une île du Chili, Isla Negra, avec sa cabane de pêcheur, son bar, ses chemins tout en pente. Et le bruit des vagues, la mer omniprésente accompagnant l'histoire sur un écran placé derrière les spectateurs. D'emblée on est sur cette île.

Poétique, la mise en scène, d'une superbe fluidité sans rien qui puisse rompre le fil, aucun changement de décor, pas de ces « noirs » si à la mode actuellement pour séparer les scènes. Tout s'enchaîne, les dialogues, les déplacements, les poèmes de Neruda astucieusement intégrés à l'histoire et les chants qui éclairent l'œuvre par moments avec une grande force évocatrice, comme le célèbre « Venceremos » ou le cri des Quilapayun « El pueblo unido jamas sera vencido » que je n'ai jamais pu entendre sans frisson.

Poétiques, certaines scènes, souvent d'une fulgurante beauté comme celle d'une infinie délicatesse où Mario et Beatriz se retrouvent nus sur un ponton que l'on imagine battu par le vent et les vagues.

Jean-Paul Zennacker incarne à la perfection un Pablo Neruda plus que crédible, Frédéric Kontogom campe un Mario fougueux des plus attachants, Olivia Barreau une Beatriz toute en finesse, Nadine Servan la mère apporte avec force la touche comique nécessaire, enfin Wladimir Beltran, chilien d'origine et Léo Mélo, les deux musiciens, réussissent de surcroit avec talent à endosser en même temps tous les autres rôles, habitants de l'île, députés, soldats, membres de la police secrète.

On ne peut parler Chili et Neruda sans résonnance politique.

Elle est évoquée aussi mais plus en retrait, la poésie prenant toute la place. Ici la politique reste en toile de fond, toute en suggestion, pas de démonstration coup de poing, pas de longs discours militants mais des images, quelques répliques, des allusions.

Mais bien présente à la fin, mort du poète et de la démocratie chilienne confondues.

Mario a été arrêté, Beatriz tient devant elle son portrait sous lequel est écrit « Donde Estan » tandis que défilent en fond de scène les photographies de quelques disparus. Bel hommage qui leur est ici rendu. Pour que l'on n'oublie pas. Jamais.

 « Et ainsi la poésie n'aura pas chanté en vain. »

 Et pendant tout ce temps, image d'éternité, « la mer sans arrêt roulait ses galets ».

Nicole Bourbon

 

 

Ardente patience

Adaptation et mise en scène : Michael Batz d'après le roman et la pièce d'Antonio Skàrmeta
Traduction : François Maspero (L'Arche éditeur)
Musiques originales de Wladimir Beltran, Léo Mélo, Violeta Parra, Victor Jara, Sergio Ortega
Collaboration artistique Valérie Suner, Sarah Labrun et Veronica Rodriguez Quintal
Scénographie et costumes Laurence Ayi
Création lumières Romuald Lesné

Avec
Pablo Neruda Jean-Paul Zennacker
Le facteur Frédéric Kontogom
Béatriz Gonzalez (la jeune fille) Olivia Barreau
Rosa Gonzalez (la mère) Nadine Servan
Le télégraphiste, un pêcheur, un policier Wladimir Beltran
Le Député Labbé, un pêcheur, un soldat, un policier Léo Mélo

 

Version imprimable (PDF)