AIDE-TOI LE CIEL

Théâtre De Belleville
94 Rue du Faubourg du Temple
75011 Paris
Tél 01 48 06 72 34

Jusqu’au 24 janvier 2016
Du mercredi au samedi à 21h15
dimanche à 20h30

 

Aide-toi le ciel loupePhoto Benoîte Fanton

Sur un tableau noir est dessiné à la craie le plan d’une ville dont les jeunes Lucie et Jonathan nous livrent symboliquement la clé, nous en expliquant la sectorisation et les itinéraires obligatoires, puis en nous racontant la légende du mystérieux transbordeur disparu, aux pouvoirs étranges, qui à une époque assurait la traversée du canal. Le paysage tracé est donc urbain contemporain, en apparence ordinaire, mais en réalité cette cité phagocytaire dépeint une postmodernité à l’arrière-goût 1984.

Dans un appartement des quartiers défavorisés se retrouve, par nécessité, une famille recomposée. Il y a la pétillante Lucie, son frère Alexandre, sa mère Charlotte, et son père Carlos, qui sont hébergés par l’ex-femme de ce dernier, Ysmène, qui, elle, a aussi un fils, Jonathan. Lucie et Jonathan vont se lier d’amitié, mais pour le reste tout va mal. Leur situation est d’autant plus compliquée, moralement et matériellement, que seules les deux mères de famille travaillent, les hommes étant au chômage et Alexandre étant encore étudiant. Le malaise s’installe, inévitablement, tout comme les frustrations, les angoisses. Les six personnages se débattent, malgré eux, tels des pantins s’agitant au gré des trajectoires automatisées prédéfinies par le système, impitoyable. Leur quotidien est une absurde et impossible course à la gestion du temps, imposée par la réglementation stricte, déshumanisée à l’extrême. Les tensions montent, à l’extérieur, comme au sein du foyer, les adultes sont sur le point de baisser les bras, les jeunes ne croient plus vraiment à l’avenir. Face à cette désespérance, l’unique issue semble être l’effrayant transbordeur, à qui chacun va finir par faire appel. Mais est-ce vraiment la bonne solution ?...

La pièce est certes dérangeante, mais dans le bon sens du terme, car elle nous fait prendre conscience du danger de la régulation généralisée, de l’instrumentalisation, de la manipulation du fonctionnement automatisant de ces métropoles de plus en plus prédatrices de libertés. Le signal d’alarme est tiré : lorsqu’il n’y a plus d’issue, dans une société de préjugés, insidieusement conditionnante avec ses petites phrases toutes faites et mine de rien assassines, il y a grand risque de résignation, ou de rébellion, ou de violence. Et pire encore, risque d’anéantissement de l’espoir d’une jeunesse à la dérive.

Les comédiens sont convaincants, attachants, troublants même... Ils sont à fond, entiers, ils vont jusqu’au bout de leur enthousiasme, comme de leurs souffrances. Ils évoluent avec précision, force et dextérité. Ils chantent, ils dansent aussi, ils se dédoublent et redoublent d’énergie dans l’espace scénique créé par des jeux de lumières. Il y a de beaux plans cinéma. Le message passe.

Définitivement, il faut comprendre et résister, aidons-nous, aidez-vous, aidons-les, allez les voir !

Luana Kim

 

Aide-toi le ciel

Texte et mise en scène : Aline César

Collaboration artistique : Hohand Azzoug

Avec : Olivier Dupuy, Claire Lapeyre-Mazérat, Daddy Moanda Kamono, Lila Redouane, Catherine Rétoré, Stanislas Siwiorek

Lumière : Esteban Loirat
Chorégraphie : Chrystel Calvet
Costumes : La Bourette
Décors : Catherine Teilhet
Musique : Grégoire Hetzel
Chant : Marianne Seleskovitch
Bande sonore A. Cesar et G. Hetzel

 

Mis en ligne le 17 janvier 2016