À PETITES PIERRES

L'étoile du Nord,
16 rue Georgette Agutte
75018 Paris
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Jusqu'au 26 mars


© Éric Legrand

La tradition  au service des hommes et non les hommes au service de la tradition.

Togo. Un jeune homme  venu de France  séduit une jeune fille. Ensemble,  ils échangent un moment de plaisir.  Mais voilà, cette jeune fille est fille d'un notable, promise au fils d'un autre notable du village. Les pères se sont entendus, c'est comme ça.  Et le fait d'avoir  eu des relations avec un autre homme avant le mariage fait d'elle une denrée périmée. L'honneur des hommes  est bafoué. La jeune fille doit être lapidée. Le jeune homme coupable, lui aussi fils de notable, sera quitte après avoir payé un dédommagement à la famille lésée.

Le dramaturge  d'origine togolaise, Gustave Akakpo, tout en évitant le piège d'opposer de manière abrupte tradition et modernité, jeunes et vieux   souligne l'hypocrisie et le double discours des notables, des gardiens de la tradition. Il fait se rencontrer  les jeunes gens qui ont une attirance l'un pour l'autre, critiquant  ainsi le mariage d'intérêts décidés par les parents sans l'accord des fiancés.  L'auteur semble considérer que la réciprocité des sentiments,  le temps pris  à la découverte et la connaissance de l'autre sont  le fondement d'une relation équilibrée entre hommes et femmes.

 Par le jeu du travestissement il met dans la bouche du pouvoir religieux et étatique une parole qui va dans le sens d'une transformation de la société faisant la preuve  par l'absurde que la tradition peut se tromper et agir contre elle-même puisqu'il suffirait qu'un jeune homme se déguise en femme et se présente comme député et tenir une parole contraire à la parole des hommes pour courir le risque d'être lapidé alors qu'il est interdit de lapider des hommes. Il suffit qu'une femme s'empare d'une fausse barbe, se déguise en chef religieux pour être reconnue comme chef religieux.  Gustave Akakpo use donc  de ces armes  redoutables du théâtre  que sont l'ambiguïté du verbe, l'ambiguïté du signe et la subversion pour susciter le questionnement chez le spectateur comme l'ont fait avant lui Molière et surtout Marivaux.

Le sujet de la pièce,  la lapidation,  est en  soi un sujet de tragédie mais Gustave Akakpo en fait une comédie à la Marivaux.  Le metteur en scène, Thomas Matalou,  tout  en revendiquant le théâtre comme art de l'artifice,se positionne par la scénographie, le choix des costumes, la lumière du côté de la tragédie.  Ce choix ne gêne pas le propos d'Akakpo mais au contraire apporte un certain équilibre à la pièce.  Le rire ne s'oppose pas au tragique, il l'éclaire.  Toutefois,  il est dommage que  la jeune fille et le jeune homme manquent un peu de fraîcheur et de naïveté dans leur jeu. Il est trop évident qu'ils sont dans une tragédie.  Ils finissent par oublier que le jeune homme qui vient de France a tout simplement envie de baiser et que la jeune fille n'est pas forcément contre. Ce qui fait peur aux vieux et qui les attire, ce qu'ils cherchent à contrôler c'est l'insouciance de la jeunesse, la sexualité débridée, le corps déchaîné même si ça porte le masque de l'honneur.  Ceci dit, on passe un bon moment en compagnie de six comédiennes et comédiens qui visiblement aiment la langue délicieusement crue de Gustave Akakpo.

 

Charles Zindor

 

Assistante à la mise en scène Marie Favre

Scénographie Thibault Fack

Costumes Julienne Paul

Création lumière Mikael Oliviero

Avec Christophe Garcia, Ludovic Lamaud, Mariana Lézin, Franck Micque, Caroline Stella, Paul Tilmont