4.48 PSYCHOSE

Théâtre de l’aquarium 
La Cartoucherie
Route du Champ de manoeuvre
75012 Paris
01 43 17 99 61

Jusqu’au 21 février
du mardi au samedi à 19h00
dimanche à 17h00

 

4.48 Psychose loupe Photo © Adrien Berthet

Texte emblématique de Sarah Kane que l’on prend en général comme un aveu totalement autobiographique puisque celle-ci se suicida peu de temps après avoir écrit ce texte et que le personnage de 4.48 Psychose tourne sans cesse cette idée du suicide dans sa tête et dans ses mots. Texte testamentaire donc, ultime cri d’angoisse de cette éternellement jeune dramaturge révoltée, morte à vingt-huit ans après avoir semé le scandale dans le paysage du théâtre anglais et marqué l’écriture contemporaine de l’ultime fin du siècle dernier.

La plupart de ses écrits sont une dénonciation de l’extrême violence – réelle ou spirituelle – de notre époque. Dans 4.48, le propos se fait plus intime, intérieur et humaniste.

Tout se passe dans un hôpital psychiatrique lors d’une suite d’échanges entre une malade et son médecin, son thérapeute.

La mise en scène de Sara Llorca et Charles Vitez lézarde définitivement la lecture désespérée qui est en général fait de cette pièce. Ici, c’est la soif de vivre et d’aimer qui est mise en avant. C’est un poème lyrique auquel on assiste. Mais pas seulement.

Aux personnages du médecin et de la patiente, ceux-ci ont ajouté un danseur, DeLavallet Bidiefono. Il est comme le double de l’héroïne. Il est aussi le désir, l’appétence, les manques, les douleurs. Toute une partie de la chorégraphie qui accompagne et emporte parfois Sara Llorca (également dans le rôle de la narratrice) est spasmes et transes… C’est la vie dans ce qu’elle contient de violences, de désirs, de spasmodique. Un non-contentement qui jaillit d’on ne sait où mais qui sera toujours une exigence de folie, de rêves, de sensations, de sentiments peut-être et d’évasion toujours. S’évader de ces carcans que sont la raison, et surtout cette conscience qu’il faut garder tranquille face à l’anéantissement qui nous attend tous. Malgré la peur qui est en là en chacun de nous. Malgré l’envie de s’évader de ce corps qui est souffrance, manque, impératif et éphémère.

Le personnage de Sarah Kane est perpétuellement au bord de l’abîme, le souffle au bord des lèvres et le cri au ventre dans une sorte d’énorme vortex d’amour, un besoin vertigineux d’aimer et d’être aimé dont la danse s’empare et fait exploser les limites, envoyant le décor voler aux quatre vents.

En fond de scène, un bassiste et un clavier interprètent une partition écrite pour le spectacle, une partition ajustée au plus près au propos de la pièce avec une basse qui n’est pas seulement rythmique mais aussi mélodique et qui résonne parfois sensuelle comme un saxo.

Tout le spectacle coule ainsi, s’étend et finit par resplendir dans une quête de lumière.

Une lumière qui se cherche, malgré cette obscurité qui revient sans cesse et replonge la scène dans le noir, comme on enfonce une tête sous l’eau pour la noyer.

La qualité de cette mise en scène est qu’elle parvient à extraire de ce personnage enfermé dans son mal-être, l’être humain : une femme en révolte totale contre la vie, contre les contraintes de son corps, ses exigences, ses limites, une révolte de la femme (ou de l’homme) contre le tragique de la destinée.

C’est ainsi peut-être qu’il faut comprendre cette idée du suicide : comme une exigence, comme de vouloir mourir de trop vouloir vivre.

Bruno Fougniès

 

4.48 Psychose

De Sarah Kane
Traduction Evelyne Pieiller (L’Arche Editeur)
Mise en scène et scénographie de Sara Llorca et Charles Vitez
Chorégraphie Delavallet Bidiefono
Musique Benoît Lugué et Mathieu Blardone
Costumes Emmanuelle Thomas
Lumière Léo Thévenon

Avec : DeLaVallet Bidiefono, Mathieu Blardone, Sara Llorca, Benoît Lugué, Antonin Meyer Esquerré

 

Mis en ligne le 6 février 2016