UNE TROP BRUYANTE SOLITUDE

Théâtre De Belleville
94 Rue du Faubourg du Temple
75011 Paris
01 48 06 72 34

Jusqu’au mardi 29 mars 2016.
Les lundis à 21h15, les mardis à 19h15

 

Une trop bruyante solitude loupe 

On connaît Bohumir Hrabal pour ses romans, et en particulier l’un qui a été adapté au cinéma : « Trains étroitement surveillés ». Cette surveillance s’étendait à tout son pays, la Tchécoslovaquie, et ce durant quarante-deux ans (de 1948 à 1990)

On citera aussi la trilogie « Noces à la maison », « Vita Nuova », et « Terrains vagues ».

« Une trop bruyante solitude » est un roman, ici adapté pour la scène : Il nous présente un ouvrier, M. Hanta, rivé à la presse avec laquelle il pilonne, depuis longtemps, jour après jour, des tonnes de livres… censurés. Il peut s’agir d’œuvres contemporaines ou bien de chefs d’œuvre de l’humanité. Bien sûr, Hanta en récupère certains : il a un faible pour Kant ou bien Lao Tseu. Face à nous, il égrène son quotidien, sa fatigue, les bières qu’il avale. Il évoque la mort de sa mère, les souris qui s’enhardissent jusqu’à monter sur la presse pour grignoter du papier. Il y a des rats aussi et des égouts. Lui ne se lave pas trop souvent. « Trop d’hygiène me tuerait… » nous confie-t-il. Et de revenir sur les malheurs de Marinette, son ancienne fiancée (pour le moins malchanceuse !) Sur la petite Tzigane, également, son amour de jeunesse. Trente-cinq ans ont filé. Et la retraite se profile. Ou bien le changement, puisqu’une presse plus moderne a été construite… et fonctionne. Hanta ira la voir, d’ailleurs.

Ne déflorons pas la fin de cette œuvre forte et humaine, subtilement adaptée et mise en scène par Laurent Fréchuret. Hrabal disait : — Je ne suis venu au monde que pour écrire « une trop bruyante solitude. »

Ici l’interprète, Thierry Gibault a joué d’autres rôles et en jouera d’autres, mais celui-ci, qu’il a suscité, lui colle à la peau : il y déploie ruse et candeur, il fait corps avec le drame de cet homme confronté à une machine à broyer, dans un régime qui broyait tant de vies et tant de consciences. Jusqu’à la fin, étrange et forte. En tout cas surprenante. Lao Tseu, cité par Hanta, ne disait-il pas : — Naître, c’est sortir, mourir c’est entrer.

Il serait dommage de ne pas se laisser emmener dans ce voyage, qui va bien au-delà, évidemment, de l’Histoire et de la politique : un spectacle qui nous parle de résistance… et de vie.

Gérard Noël

 

Une trop bruyante solitude

Texte : Bohuml Hrabal.
Traduction : Anne-Marie Ducreux Palenicek.
Adaptation et mise en scène : Laurent Fréchuret.

Avec : Thierry Gibault.

Son : François Chabrier.
Lumière : Éric Rossi.
Collaboration artistique : Thierry Gibault.
Directeur de production : Slimane Mouhoub.

 

Mis en ligne le 30 janvier 2016