RIEN, PLUS RIEN AU MONDE

Théâtre Le Proscenium 
2, passage du bureau (angle du 170 rue de Charonne)
75011 Paris
01 40 09 06 77

Jusqu’au 1er Juin 2016
(puis Festival d’Avignon Off 2016)

Tous les mercredis à 19h30

 

Rien, plus rien au monde loupe 

Rien,  plus rien au monde… Qu’est ce qui se cache derrière cette litanie qui rythme les débuts de phrase de cette femme qui semble si seule au monde ! Si seule et si désemparée dans sa petite vie pitoyable que l’on découvre au fil du monologue. Pauvre vie liée à la condition sociale dans laquelle elle est emprisonnée depuis toujours et qui lui pèse tellement. Alors elle boit pour oublier un sort sans issue, où sa seule satisfaction est d’arriver à dégoter les meilleures promos au discount du coin. « 42 centimes la mozzarella, 29 centimes la boite de petits pois, 1,15 euro les douze yaourts etc… », elle passe son temps à compter vu que le salaire de son métallo de mari et ses quelques heures de ménage chez des riches, qu’elle envie et méprise à la fois, ne lui permettent pas de faire autrement. Economiser sou par sou, boire du vin au goulot sont les seules distractions de son triste quotidien. Ah non ! Y’a aussi la télé et ces émissions « paillettes », avec des animateurs « plein aux as » qui la font rêver. Elle se noie tellement dans ce miroir aux alouettes qu’elle en devient agressive vis-à-vis de sa « pénible »  fille en laquelle elle projette ses illusions perdues. « Avec tes grandes jambes, ton 95 C et ton cul d’enfer, tu gagnerais des millions si tu te présentais à une émission de télé-réalité… ». Mais visiblement, la communication ne passe pas entre elles et elle doit se résoudre à continuer sa petite vie minable ….Jusqu’au moment où elle débarque sur scène avec sa robe à fleurs tâchées de sang et son visage lisse, presque innocent. Et soudain, à mi-chemin de son soliloque, on comprend son « Rien, plus rien au monde » qui sonne le glas !

Ames fragiles s’abstenir, ce n’est pas à une partie de plaisir que nous invite l’adaptation théâtrale du livre de Massimo Carlotto , mise en scène délicatement et sobrement par Fabian Ferrari. L’auteur, écrivain italien reconnu, effectue, à travers cet opus tout en noirceur et cynisme, une analyse sociétale démoralisante à la Zola. Nerf de la guerre, le manque d’argent est omniprésent et, on ne compte plus les fois où l’héroïne prononce les mots euro, factures, crédits et autres frais. Seule respiration poétique, la chanson « Emmène moi danser » de Michèle Torr qu’elle se met à fredonner sur un texte qui semble écrit pour elle ! La comédienne Amandine Rousseau, en se glissant dans la peau de cette petite chose dépassée par son existence et ses actes, capte l’attention du public et réussit à émouvoir malgré l’état de déshumanisation qu’atteint parfois son personnage. On est avec elle, on la suit dans ce témoignage pathétique, on retient son souffle … Et on est mal à l’aise !

Sûr que cette pièce de qualité ne laisse pas indifférent mais, une fois de plus, il faut être en forme pour affronter une tranche de vie aussi sombre. En ce cas, n’hésitez pas, ce morceau de bravoure hyper –réaliste vaut le détour et donne matière à réflexion sur le poids écrasant de la société de consommation sur la classe ouvrière.

Patricia Lacan Martin

 

Rien, plus rien au monde

De Massimo Carlotto
Mise en scène : Fabian Ferrari

Avec Amandine Rousseau

 

Mis en ligne le 19 avril 2016