QUI A TUÉ MON PÈRE 

La Colline – Théâtre national
15 rue Malte-Brun
75020 Paris
01 44 62 52 52

Jusqu’au 3 avril
Le mardi à 19h30
Du mercredi au samedi à 20h30
Le dimanche à 15h30

 

Qui a tué mon père ? loupe Photo © Jean-Louis Fernandez

Après avoir raconté dans En finir avec Eddy Bellegueule (2014) et Histoire de la violence (2016) son enfance dans une ville « laide et grise » du Nord de la France, au sein d’une famille votant Front National, peu encline à accepter ses choix de vie, Édouard Louis offre désormais à Stanislas Nordey Qui a tué mon père ?, un texte coup de poing. De la petite histoire faite d’anecdotes d’enfance particulièrement évocatrices, on passe à l’histoire sociale et politique de toute une partie de la société, les dominés, ceux que les hommes politiques ignorent et maltraitent au point de leur ruiner la vie. Édouard Louis raconte que c’est la vision du corps de son père amoindri à 50 ans à peine qui lui a insufflé l’envie et le besoin de raconter son histoire, prenant le corps de celui-ci comme témoin de l’histoire politique.

Dans ses précédents textes, l’auteur insistait sur l’incompréhension de son père, sa violence, et il continue à le faire, en égrenant les souvenirs de son enfance. Des souvenirs de violence, des souvenirs de fêtes de Noël, d’accident, de vitesse, de séparation mais surtout l’un d’entre eux qui revient comme une obsession. L’anecdote du faux-concert, organisé par le jeune homme pour ses parents et leurs amis, spectacle dans lequel le jeune garçon se mettait avec enthousiasme dans la peau d’une chanteuse de pop anglaise. Moment de joie pour le fils, aussitôt terni par la gêne ou la honte d’un père qui ne daigna pas poser le regard sur lui, malgré l’insistance naïve du garçon. Le « Regarde, papa » lancé par Stanislas Nordey à plusieurs reprises nous arrache le cœur, tant il dévoile à la perfection le besoin de reconnaissance et la nécessité d’obtenir un regard bienveillant, et l’impossibilité de le recevoir tant le père vénère la masculinité.

Sur scène, Stanislas Nordey fait siens les mots de Louis avec élégance et conviction. Il est entouré de mannequins à l’effigie du père, des mannequins plus vrais que nature qui se multiplient plus le temps passe, comme pour signifier l’omniprésence de la figure paternelle dans l’itinéraire et les réflexions du jeune homme. Vêtu d’abord d’un manteau qu’il ne retire pas tout de suite, comme s’il ne faisait que passer, il l’ôte et le ton se fait plus posé : ce sont des confessions qu’il livre à voix basse, avant de crier. De crier les noms des responsables de la mort lente de son père usé par ses conditions de travail, les noms des hommes et femmes politiques à qui l’on doit les lois sur le non-remboursement des médicaments, le RSA, le travail et ceux à qui l’on doit des sorties révoltantes du type : « Vous n’allez pas me faire peur avec votre tee-shirt. La meilleure façon de se payer un costard, c’est de travailler » (Emmanuel Macron, 2016).

Chirac, Bertrand, Sarkozy, Hirsch, Hollande, El Khomri, Macron, ce sont eux les assassins que Louis accuse. Et l’histoire de son père est la parabole de l’oppression des dominés. Un spectacle nécessaire, qui secoue, qui émeut, qui est profondément juste tant il mêle histoire personnelle, histoire sociale et analyse de celles-ci grâce à l’apport de Didier Eribon et Ruth Gilmore. Merci.

Ivanne Galant

 

Qui a tué mon père 

Un texte écrit par Édouard Louis

Mise en scène et jeu : Stanislas Nordey

Collaboratrice artistique : Claire Ingrid Cottanceau
Scénographie : Emmanuel Clolus
Lumières : Stéphanie Daniel
Composition musicale : Olivier Mellano
Création sonore : Grégoire Leymarie
Clarinettes : Jon Handelsman
Sculptures : Anne Leray et Marie-Cécile Kolly
Assistanat à la mise en scène : Stéphanie Cosserat
Décors et costumes : Ateliers du Théâtre National de Strasbourg
Perruque : MTL PERRUQUE
Régie générale : Thomas Cottereau

 

Mis en ligne le 16 mars 2019