BRASSEUR ET LES ENFANTS DU PARADIS

Théâtre du Petit Saint-Martin
17 rue René Boulanger
75010 PARIS
01 42 02 32 82

Jusqu’au 15 octobre 2016
du mardi au vendredi à 21h00
les samedis à 17h00 et 21h00

 

Brasseur et les Enfants du Paradis loupe 

Lentement la lumière chaude d’un projecteur s’allume pour habiller la jolie chute de reins d’un modèle nu. Soudain, de derrière un chevalet sonne la voix reconnaissable, fortement joviale et rocailleuse, de Claude Brasseur. Mais non, ce n’est pas lui ! Ah non, car Claude est dans la salle, au troisième rang. Et sur scène, voilà Alexandre, qui interprète… son grand-père. On s’y tromperait, mêmes intonations dans la lignée d’un célèbre nom de famille : tel père, tel fils, tel petit-fils.

Dans la pièce, c’est Pierre qui parle. Après guerre, il s’adonne avec passion à la peinture de femmes dénudées. Et se souvient, raconte le making-of de ce film incontournable, historiquement à cheval sur l’occupation et la libération, de ce fait long et si difficile à tourner pour des "Funambules" devenus "Enfants du Paradis". Autour de la nonchalante et pétillante Arletty, à qui il s’adresse et à qui il voue une attention et une affection toute particulière, il y a Barraud et sa faussement muette extravagance, Carné et ses réflexions et exigences contraintes, Prévert et sa perspicacité à se servir habilement de l’art des mots pour combattre les armes, Kosma avec sa musique et sa résistance. À leur manière et de diverses façons, tous ces protagonistes cherchent désespérément à retrouver une liberté interdite à l’époque… « comment être libre quand on est occupé ? » Coupables, non coupables ?

Alexandre est l’un, l’autre, tous à la fois. Seul en scène, sur la corde raide, il ne lâche rien : aucune hésitation, les gestes, les contractions sont justes, il garde le rythme, la puissance, la diction parfaite. Brillant rendu aussi de cette élégance assurée, un brin magnanime, mais bon enfant, d’un soupçon de misogynie assumée.

Grâce au texte de Daniel Colas, excellent, le message passe, sans concessions, on découvre, on apprend, on savoure cette atmosphère de plateau derrière les caméras d’un chef d’œuvre cinématographique marqueur d’une époque trouble et tourmentée. Sans oublier le remarquable retournement de décor : du grand écran au théâtre à nouveau, comme hommage en filigrane à cette anthologique intrigue dramatique construite autour du spectacle vivant et de ses saltimbanques.

Au bout d’une heure et demie, bien évidemment, ovations du public.

L’émotion, palpable, traverse l’espace temps et les générations ce soir, tant on sent le courant artistique passer de l’enfant, et par le père, à ce grand-père du Paradis.

On applaudit et on se dit finalement que le talent est parfois, sinon contagieux, héréditaire… Quelle famille !

Luana Kim

 

Brasseur et les Enfants du Paradis

De : Daniel Colas

Avec : Alexandre Brasseur

Mise en scène : Daniel Colas

 

Mis en ligne le 16 septembre 2016