VIRGINIE HOUDINIÈRE

Rencontre avec Virginie Houdinière, costumière

 

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Dans l’ombre, loin des feux de la rampe, c’est tout un monde qui contribue dans la discrétion à la réussite d’un spectacle, avec costumes, décors et lumières.

Nous rencontrons aujourd’hui Virginie, costumière.

Une jeune femme agréable et souriante que rien a priori ne destinait à cette carrière :

 « Je viens des Ardennes, et d’un milieu qui ne fréquentait absolument pas les salles de spectacle.
Le théâtre je l’ai découvert à l’école, je m’étais inscrite à l’atelier théâtre pour vaincre ma timidité. Et c’est un univers qui m’a immédiatement fascinée. »

Mais pas question pour ses parents qu’elle suive cette voie, « Termine tes études d’abord et choisis un vrai métier. Couturière par exemple puisque tu es une fille ».

Sage et obéissante, Virginie suit ces conseils.

« Mais à dix huit ans, après avoir tout bien fait comme mes parents voulaient, je prends mon indépendance et pars à Paris. »

Formation de couturière et passion du théâtre vont alors se conjuguer et elle choisit une formation d’habilleuse.

Puis le hasard des rencontres dont celle déterminante qui lui fera connaître le conservatoire et l’occasion de côtoyer de grands metteurs en scène, comme Françon , Mesguich ou Philippe Adrien qui la mènera à la Tempête. Un long cheminement qui la conduira à ce métier de costumière où elle peut réaliser son besoin de créer et dont elle parle avec passion.

« La costumière dessine d’abord, puis soit fait réaliser ses modèles dans un atelier, soit les confectionne elle-même. C’est ce que je fais personnellement car j’aime bien tout maîtriser de  A à Z. »

Ce qui l’intéresse surtout, c’est le costume d’époque.

« Je suis moins attirée par le contemporain, ça se sait d’ailleurs maintenant dans le métier. Tout commence donc par un travail de recherche, dans mon fonds de documents personnel puis dans les bibliothèques, Pompidou, Arts Déco ou Forney.Il faut connaître la mode de la période concernée mais aussi le pourquoi, la correspondance entre l’habit et le caractère du personnage, son contexte social. »

Ensuite c’est la conception avec ses maquettes jusqu’à la réalisation finale en passant par le choix des matériaux et des couleurs.

« Cela exige de nombreux allers retours avec le metteur en scène qui me fait part de ses idées et qui valide ou pas ce que je lui propose. J’assiste dès le début aux lectures, car là je découvre les personnages et les comédiens, c’est important car tout doit être en adéquation. De même avec les décors et les lumières. Par exemple pour Le Cid, Jean Louis Daguerre voulait du rouge. Comme il n’y avait pas de décors, j’avais une liberté totale et j’ai pu jouer sur toute la gamme des rouges, du bois de rose au rouille, chaque nuance permettant de situer les clans, les jeunes, les plus âgés, le roi».

Un élément déterminant est bien sûr comme partout le budget dont elle dispose.

« C’est important de savoir dès le début de combien je dispose ? Après il faut souvent faire des choix, si je veux un très beau tissu, je peux diminuer la quantité, supprimer une traîne par exemple. »

Vient ensuite le moment des essayages et les anecdotes ne manquent pas.

« C’est un moment privilégié où on entre complètement dans l’intimité de l’artiste, on connaît leurs grands et leurs petits maux. Mais on les oublie vite, après on passe à autre chose.

Il est souvent difficile pour les comédiens de ne pas bouger, ils ont toujours quelque chose à faire, ils téléphonent etc.

Jean Laurent Cochet lui, a fait mon admiration, en restant parfaitement immobile pendant tout l’essayage méticuleux de son costume de Philaminte dans Les femmes savantes.

Parfois mon égo en prend un coup quand par exemple le comédien ne s’adresse qu’au metteur en scène en m’ignorant complètement !

D’autres fois il faut faire accepter le costume. J’ai l’exemple d’une comédienne qui ne voulait pas de corps à baleine mais d’un corset. J’ai beau lui expliquer que c’est impossible avec la forme des robes de l’époque, ce serait comme faire rentrer un carré dans un rond ! Elle insiste, s’achète son corset qui vaut le montant de mon budget global ! et bien sûr elle a souffert le martyre avec le corset plus le corps à baleine. Il a bien fallu qu’elle renonce. »

A propos de corps à baleine, j’apprends qu’on ne serre pas immédiatement à la bonne taille, mais par étapes pour que le corps s’habitue. Et pareil pour l’ôter. La comédienne doit aussi apprendre à respirer avec, c’est une respiration tout à fait particulière. Toutes choses qu’on ne soupçonne pas quand on assiste au spectacle et qu’on voit les comédiennes si à l’aise avec leurs tailles de guêpe !

Si Virginie est pleinement heureuse dans la profession qu’elle a choisie, elle regrette cependant que les costumières ne se rencontrent que rarement, elles ne se connaissent pas et du coup ne peuvent défendre la profession.

Elle déplore également la disparition des différents Molières pour les costumes, les décors, les lumières au profit d’un général pour l’ensemble de la technique.

« C’est dommage c’était une façon de reconnaître notre travail et celui des équipes qui travaillent avec chacun de nous. C’est frustrant. »

Mais ce léger nuage passe vite et Virginie retrouve vite son charmant sourire avant de rejoindre ses enfants, dont l’aînée qui a dix ans commence déjà à coudre, nous dit-elle.

La relève semble assurer.

Nicole Bourbon