VAN GOGH AUTOPORTRAIT

 

Au Lucernaire
53, rue Notre-Dame des Champs
75006 Paris
Réservation : 01 42 22 26 50
Jusqu'au 5 novembre 2011
Du mardi au samedi à 21h

Vincent Van Gogh. Son nom à prime abord fait résonner en nous des mots-raccourcis : tournesols, couleurs, «instabilité mentale »... Quelques notions passe-partout qui ne frôlent que la surface d'un être et de sa vie, ne laissant à l'artiste qu'une identité-masque figée. Heureusement, les explorations biographiques telles Van Gogh Autoportrait donnent la chance au spectateur d'aller voir sous ce masque, d'aller à la rencontre du peintre à travers ses propres mots, avec ses fameuses correspondances à son frère Théo, mais aussi à sa mère, sa sœur, à certains amis, et à travers les mots d'Antonin Artaud, qui défend « la bonne santé mentale » d'un Van Gogh « suicidé de la société », cette société qui « martyrise et assassine ses artistes ». Le texte a donc le mérite de nous faire découvrir les réflexions foncièrement logiques d'un être sensible, ardent, qui refuse les obligations d'une société bourgeoise et mercantile, et défend le travail de l'artisan-artiste ; ses descriptions passionnées de la recherche du contraste, de la vibration des couleurs, son regard sur la nature qui l'entoure et son émerveillement. « L'art, c'est l'homme ajouté à la nature », nous dit-il. On y voit aussi un homme blessé par la solitude, rejeté par son seul amour, Kate ; un ami passionnellement fidèle jusqu'à la démesure auprès de Paul Gauguin ; un fils critiqué par son père. Le récit de toutes ses facettes se déroule au fil du spectacle.

Mais ce récit, n'aurions-nous pas pu simplement le lire ? Que nous apporte de plus la mise en scène pour éclairer les propos et la réalité de Van Gogh ? Le spectateur-auditeur ressort du Paradis du Lucernaire, cette petite salle perchée au dernier étage du bâtiment (qui mériterait plutôt le nom d'Enfer vu la chaleur qui y règne), avec le vague sentiment d'avoir « entendu des morceaux de livre », qui d'ailleurs, dans ce nouveau « tissage » proposé par O'Cottrell, perdent par moment en clarté narrative, par trop de morcellements aux diverses origines. On nous parle d'un Van Gogh à la fulgurante passion, on entend ses mots teintés d'une claire flamme vitale, d'une urgence de partager ses convictions avec son prochain (même à travers ses désillusions), et l'on ne retrouve pas cette étincelle, cette fougue, sur scène. On suppose et on peut comprendre- un parti pris qui se refuse à présenter Van Gogh à travers le prisme d'une folie-clichée, mais en résulte un Van Gogh d'un « calme » excessif ; le choix d'une approche monocorde aplatit les magnifiques nuances potentielles d'un personnages aussi vibrant et la subtilité souhaitée se transforme en uniformisation, qui nous détache au final du texte en ne lui donnant pas ou peu de relief, ou, quand relief est donné, il semble plaqué, artificiellement, au texte, comme un effet un peu maladroit. L'architecture dramaturgique manque de force, ne sachant pas trouver ses rythmes, ses ruptures et suspensions; de bonnes idées en restent à l'étape d'idée, là où elles pourraient se transformer en images d'une poésie émouvante, comme celle de Van Gogh avec son chapeau aux douze bougies, qui demeure une anecdote visuelle au lieu de transporter le spectateur dans le monde illuminé (ou lumineusement obscur) du peintre. On se trouve face à la même sensation d'anecdote quant au choix des éléments de décors, qui certes font tous référence et peut-être trop directement d'ailleurs pour ne pas être clichés - à l'univers Van Goghien (la chaise en paille, le bouquet d'iris, la toile –blanche-, la valise du peintre avec pinceaux et tubes…), mais ne prennent pas vie dramaturgiquement ; ils restent des « objets sur scène », et non des objets-acteurs au service d'un propos dramatique. Et malheureusement, le travail musical et les chansons proposés ne viennent pas non plus soutenir le propos, comme posés sur le tissu des textes, sans le nourrir.

Le spectateur ira donc voir Van Gogh Autoportrait pour se laisser bercer par les mots du peintre-poète et de son défenseur Artaud, et par la voix douce, porteuse et grave d'un Cottrell aux airs de conteur, et au physique évoquant à merveille Van Gogh ; et s'il ne s'attend pas à être transporté par la proposition théâtrale, il pourra passer une bonne soirée en compagnie des textes proposés, à condition qu'il veuille bien payer 30 euros pour le faire…

 

Laurenne Fabre

 

De et par Jean O'Cottrell