MADAME DE... VILMORIN

au Théâtre du petit Montparnasse

31 rue de la Gaieté
75014 PARIS
Du mardi au samedi à 19 h, le dimanche à 15 h


photo : Fabienne RAPPENEAU

À la radio, il y a avait eu des entretiens, historiques, avec Paul léautaud. André Périneau a eu la bonne idée, en 1957, de faire de même avec Louise de Vilmorin. C'est en partie de ces entretiens que se sont inspirées Coralie Seyrig et Annick le Goff pour monter le spectacle. Autre bonne idée.

Ne le cachons pas davantage, c'est un petit bijou. Que l'on connaisse ou non Louise de Vilmorin (héritière de) on ne peut qu'être à la fois intéressé et charmé par ce qui se passe sous nos yeux : dans un décor succinct, fauteuils recouverts de cretonne et rideaux assortis, Coralie Seyrig (également interprète) déploie sa silhouette longiligne et son phrasé impeccable ; au service d'une re-création, celle d'une époque, en même temps que celle de l'immortelle auteur de « Madame de », ou de « la lettre dans un taxi ».

Il ne faudrait pas croire que, de mondanités en ronds de jambes, nous n'allons nous voir offrir que des histoires de manoirs et de raouts mondains. Il y a de ça, mais pas uniquement. Dès le début, le ton est donné : nous écoutons une série de lettres (avec réponse, s'il vous plaît) écrites par Louise dans un but unique, se procurer de l'argent auprès d'amis. 50 000 francs, à chaque fois. Les arguments utilisés sont à la fois navrants et brillants et chacune se conclut par « L'argent me ruine ! » Evidemment, en général, ça marche.

« J'aime plaire », énonce Louise Vilmorin, interprétée de façon magnétique et convaincante. La superficialité de l'auteur de « Le lit à colonnes » est trompeuse : c'est une femme qui met tout en avant, y compris sa façon de se dévouer. On guette le moment où elle ne va plus chercher à donner le change. Où elle va baisser la garde. Cela arrive, mais de façon légère. Quand elle raconte (grand moment !) l'histoire de sa poupée Lili, quand elle évoque sa mère qui ne la « gobait » pas. Ou qu'elle s'attendrit sue ses frères. Tout y passe, le mariage, la boutique d'horticulture, et ses relations amoureuses. Même si, comme elle le dit « en amour, je ne suis plus dans le circuit » on la sent grande amoureuse, souvent déçue, parfois infidèle mais avec la même ingénuité, le même côté entier qui en fait une femme définitivement moderne.

Et puis il y a les amis illustres, comme Jean Cocteau. Les amants, de St Exupéry à Gaston Gallimard dont elle trace des portraits à la fois acides et passionnés. Elle souligne l'apport d'André Malraux qui lui met (du point de vue littéraire) le pied à l'étrier et l'encourage. Tout ceci est parsemé de mots d'époque comme « épatant » ou « se barber ». En ce qui concerne son œuvre, Louise est lucide : elle ne raffole pas de ce genre, préférant la poésie ou, qui l'eût cru, les mémoires. Seul Stendhal trouve grâce à ses yeux.

La mise en scène de Christine Dejoux est sobre et remplit son office. Coralie Seyrig, habitée, arpente la scène, se pose, alanguie sur un sofa et joue même du piano. Encore une fois, elle nous restitue tout : la force du personnage (il faut avant tout faire bonne figure) ses fêlures, son émotion vraie quand elle évoque la nature. On sort de là moins bête, un peu ému, avec l'envie de se précipiter, pour prolonger le plaisir, sur l'œuvre de madame de…. Madame de Vilmorin, bien sûr.

 

Gérard NOEL

 

Un spectacle d'Annick Le Goff et Coralie Seyrig

d'après les entretiens d'André Parinaud.

 

Avec Coralie Seyrig.

Mise en scène Christine Dejoux.