HUIS CLOS

au Lucernaire
53 rue N.D des Champs, 75006
PARIS
Tél :01 45 44 57 34

Du 20 juillet au 10 septembre (sauf D et L) à 21h.

Alors qu'on voit souvent, et même de plus en plus de pâles adaptations littéraires de tel ou tel, voici que le Lucernaire accueille une vraie pièce, «  Huis-Clos », de Jean-Paul Sartre, écrite, raconte-t-il, pour donner à deux comédiennes et un comédien de ses amis, des rôles équivalents. Il s'agissait donc qu'aucun ne quitte la scène durant la représentations. L'idée de l'enfer, c'est toujours Sartre qui parle, s'imposa rapidement. On mesure la coquetterie du propos. En fait, l'enfer et ses représentations, cette idée de punition perpétuelle, devait préoccuper depuis longtemps l'auteur de « la nausée ».

Ainsi donc revoici le décor de salon bourgeois, les lampes kitch, le bronze hideux, et ce garçon d'étage qu'on a habillé (pourquoi ?) en garçon de bain, peignoir et lunettes de soleil à la clé.

Garcin, le premier arrivant, est journaliste. De son discours embrouillé, on parvient à établir qu'il a été fusillé. La seconde entrante est Inès, une femme « damnée » de son vivant, comme elle le dit elle-même, car homosexuelle. L'échec de sa relation précédente la hante. La troisième, Estelle, prétend ne pas savoir pourquoi elle est là. Après des passes d'arme tendues, voire explosives, la vérité, les vérités plutôt, se font jour : Garcin est un lâche et Estelle une infanticide.  On pourrait sourire de voir Sartre montrer du doigt ce qui, à l'époque, méritait à coup sûr l'enfer. Et puis, pris par le jeu très fort des comédiens, par cette proximité qui nous touche, on oublie le côté démonstratif, voire didactique que ce théâtre peut avoir. On se dit que la pièce de Sartre fonctionne encore. Et plutôt bien. Un auteur contemporain mettrait sans doute en scène  un pédophile, un responsable de génocide, voire un escroc responsable de la ruine de millions de personnes, …peu importe.

Ce serait trop simple si la mort effaçait tout, les hontes comme les passions : ici, elles perdurent. Et c'est davantage les jeux de séduction et de pardon entre les personnages qui fait qu'ils se retrouvent véritablement « en enfer ». Non victimes de gril, de poulies ou de flammes mais bien à cause des « autres ».

Dirigé efficacement, présentant ce soir-là deux comédiennes et un comédien  « habités », ce spectacle rend heureux.  Pourquoi ? Sans doute parce que la pièce est déjà suffisamment « intello » pour qu'on se soit privé d'en rajouter. L'idée de diriger les interprètes dans un registre très physique et réactif,  fait qu'on accroche, fatalement.

Les comédiens et comédiennes choisis par Vladimir Steyaert jouent en alternance. Ils viennent des pays les plus divers : Togo, Croatie, Roumanie, …et leur approche dramatique, en plus de leur accent, nous les rendent lointains et proches à la fois. Citons-les tous : Ursa Raukar, Roger Atikpo, AdelaMinae, LarissaCholomova, plus Jérôme Veyhl et Antoine Sastre.

L'été n'est pas si prodigue en bons spectacles et celui-ci mérite le détour.

 

Gérard NOEL