LE 20 NOVEMBRE

Étoile du Nord Théâtre,
16 rue Georgette Agutte,
75018 PARIS
01 42 26 47 47
Du 8 au 26 novembre du mardi au vendredi à 21 h, samedi 19 h 30


© Damien Guillaume/ agence révélateur

Tragique anniversaire, à peu de choses près, puisque Lars Noren a choisi d'évoquer une série de meurtres de sang froid commis en 2006 à cette même date. Le lieu est un lycée où un ancien élève revient, armé, pour régler des comptes. Mais il va tirer sur des élèves nouveaux et sur des professeurs qu'il ne connaît pas, pour la plupart. Ce sera un massacre.

Cette pièce veut explorer les motivations profondes du jeune homme. Elle ne se contente pas de l'adjectif « déséquilibré », elle veut en savoir plus et met donc en scène le jeune Sébastian, en jean et blouson. Sébastien mange des chips, boit du coca et, surtout, nous invective. Le spectateur est en position particulière : il est vraiment l'interlocuteur privilégié, la lumière est sur lui, il ne peut s'échapper. On lui demande comment va sa bonne conscience et par quel plaisir malsain, il vient voir un spectacle qui donne la parole à un futur assassin en série.  

Noren a le chic pour varier le rythme du discours du jeune homme, alterner hurlements et confessions avec ce leitmotiv du raté asocial qu'il pense être, ce qui l'incite à mettre dans le même sac l'école, les parents, – et la société. Il ne faudrait pas croire pour autant que le cliché rôde. Non. Sans être révolutionnaire, la pièce nous touche par une authenticité pointilliste, une façon de suggérer les choses et ces formules choc comme « Une arme qui ne sert pas n'est pas une arme » ou « Faute de trouver un sens à ma vie, il me faut trouver un sens à ma mort ».

Sébastian, entre deux cris (« Je ne suis pas un Nazi ! » répète-t-il), des tours , et des détours, en arrive parfois à douter de sa « mission » mais cela ne dure pas. Redoutant de tomber comme tout le monde dans le EFTRM (école-formation-travail-retraite-mort) il se dope lui-même, s'étourdit de mots, énumérant au passage les précédents existants, comme celui, bien sûr, de la ville américaine de Colombine. Le début de la pièce n'est pas neuf (le comédien arrivant de la salle) mais il arrive à surprendre et la fin encore plus. Il y a, tout au long, une montée dramatique et ces cinquante et quelques minutes sont captivantes.

S' il perd à une ou deux reprises ce rapport direct avec le public (son confident et futur bourreau) Jean-Pascal Abribat tient la pièce à bout de bras. On croit sans peine à son post-ado en révolte. Mobile et grimaçant, il peut se montrer agressif et drôle, parfois, dans les excès de son délire. Le décor, disons-le, est efficace, de même que le jeu avec les lumières et la bande-son, soignée. Rien à redire au  travail de Jacques David (le metteur en scène). Il a l'art de faire bouger son personnage dans l'espace, de sentir l'importance d'un paquet de chips qu'on écrase, le symbolisme d'une capuche enlevée ou remise.

On ne peut, surtout au début, se défaire d'une sorte de gêne devant ce personnage qui se met moralement à nu. Vu la fin qu'il envisage, il assume tout, ce qu'il dit, ce qu'il va faire et même ce qu'il écrit : il nous agresse mais on ne peut s'empêcher, parfois, d'approuver son propos.

En bref, Lars Noren est un auteur sensible qui a réussi sa restitution. Toute l'équipe du spectacle est à féliciter. N'hésitez donc pas à prendre le chemin de l'Etoile du Nord théâtre.

 

Gérard NOEL

 

De Lars Norén

MIise en scène Jacques David assisté d'Alice David

Avec Jean-Pascal Abrigat

Théâtre de l'Erre - Compagnie en résidence

Traducteur Katrin Ablgren

Editeur l'Arche éditeur

Scénographie Jacques David

Création sonore Christophe Séchet

Costumes Agnès Marillier

Lumière Fanny Blouët