DEUXIÈME JOUR – MARTEL, MÉLODIES JUIVES

Aujourd’hui direction Martel.

Les nuages s’effilochent dans un ciel bas, heureusement la pluie qui tombait dru depuis ce matin a enfin cessé et nous pouvons suivre la visite guidée de l’église Saint Maur et du village.

 

Martel loupePhoto Claude Bourbon

Martel dont le nom vient non pas de Charles Martel mais de marteau (trois de ces outils figurent sur le blason de la ville) fut fondée au XIIème siècle par les vicomtes de Turenne  pas autour d’un château comme habituellement mais parce qu’ils étaient intéressés par ce lieu situé au carrefour de deux axes marchands (Clermont – Bourdeaux et Paris – Toulouse).

L’église fait partie des fortifications et possède une allure tout à fait défensive avec ses hautes murailles et son clocher massif.

Elle est de style gothique méridional (c’est à dire qu’elle possède des vitraux hauts et étroits et non larges) et a trois particularités : une nef unique, un chœur à angle droit et être entièrement peinte tous les murs et voûtes étant recouverts de motifs dorés ou colorés.

 

Plafond de l'église loupePhoto Claude Bourbon

La petite ville est elle aussi singulière, les maisons offrant un mélange de styles médiéval et Renaissance. En effet, suite aux guerres de religion, Martel étant restée catholique dans une vicomté protestante, les maisons du Moyen Âge à moitié  détruites furent alors reconstruites selon la nouvelle mode tout en conservant ce qui restait de ruines.

Les rues conservent les traces des anciennes arcades soutenant les étals, et elles sont d’une largeur inhabituelle à l’époque attestant de son passé de cité marchande.

Il reste nombre de belles demeures avec tours d’escaliers, fenêtres à meneaux ou à oculus comme le superbe palais de la Raymondie où est installée actuellement la mairie.

Martel est surnommé la ville aux sept tours, non pas parce que ce serait le nombre qu’elle possède (il y en a bien davantage) mais parce qu’un peintre pour célébrer la venue d’une vicomtesse de Turenne avait réalisé une fresque représentant la ville avec sept tours, nombre symbolique, allusion aux sept villes murées que comptait la vicomté, aux sept papes siégeant en Avignon, aux sept enfants de la vicomtesse et enfin aux sept péchés capitaux !

La visite se termine, et il est temps de retourner à l’église où doit avoir lieu le concert de  ce soir.

MÉLODIES JUIVES AUTOUR DE CHOSTAKOVITCH

 

Le programme réunit plusieurs mélodies la plupart issues de chants hébraïques, écrites par divers compositeurs du XXème siècle. Des chants qui sont l’âme de la prière juive, une façon de s’adresser à Dieu tout en parlant de sentiments humains, ce qui leur confère un ton particulier, intime et familier, mêlant humour et amertume.

En effet, dans nombre  de ces mélodies traditionnelles domine une note au grain mélancolique voire tragique, qui vous transperce d’émotions, à la fois  supplique et action de grâce, gaie et poignante, fougueuse et légère mais jamais désespérée car contrebalancée par une foi inébranlable, un optimisme qui survit à toutes les épreuves.

Les compositeurs choisis se nomment Louis-François-Marie Aubert, Arthur Honegger, Léonard Bernstein.

Trois d’entre eux ont vécu la tragédie de la seconde guerre mondiale : Carlo Taube et Viktor Ullmann, qui composèrent les morceaux entendus ce soir alors qu’ils étaient prisonniers à Theresienstadt (Terezin), ce camp de propagande nazie pour une prétendue organisation des loisirs ; ils finirent tous deux gazés à Auschwitz.

Léon Algazi, maître de chapelle à la grande synagogue de Paris en 1936,  lui, sera contraint de fuir la France pour la Suisse.

Et le dernier, Dmitri Chostakovitch, avec les onze chants de l’opus 79 écrit en solidarité avec ses amis juifs en proie aux exactions de Staline.

Ce sont quatre artistes confirmés, que les habitués du festival connaissent bien, Valérie Maccarthy, soprano, Sarah Laulan, mezzo, Éric Vignau, ténor, accompagnés au piano par Manuel Peskine, qui nous firent partager avec leur talent habituel de grands moments d’intense émotion parmi lesquels Le Mimaamaquim de Honegger, interprété par Sarah Laulan en une longue plainte si authentique et émouvante dans son intensité, le Kaddish de Ravel, qui vit Sarah Laulan recueillie, tête baissée et maints jointes pendant que s’élevait sous la voûte la voix puissante d’Éric Vignau, le beau duo de la séparation de Chostakovitch auquel Éric Vignau et Valérie Maccarthy donnèrent une jolie note d’humour léger et pour finir, le splendide Joie de Chostakovitch où les trois voix se mêlent harmonieusement en un éclatant final.

 

Les quatre interprètes des Mélodies juives loupePhoto Claude Bourbon

Un superbe concert, magnifique exemple de la résistance de la culture contre la mort, indispensable en cette année 2015 après les effroyables attentats de janvier.

Et pour ne pas oublier les paroles d’un survivant des camps :
« La musique, c’était la vie. »

Nicole Bourbon

 

Mélodies juives autour de Chostakovitch

Avec :
Soprano : Valérie Maccarthy
Mezzo-Soprano : Sarah Laulan
Ténor : Éric Vignau
Piano : Manuel Peskine

 

Mis en ligne le 9 août 2015

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