ABBAYE DU THORONET

le 16 septembre journées du patrimoine
à 15h et 17h

 

Abbaye du Thoronet loupe 

Quand une abbaye s'ouvre à la danse
et accueille « Souls » de la compagnie 2si 2la

 

Merveille des abbayes cisterciennes, le monastère du Thoronet propose sans cesse des activités culturelles qui attirent un public très nombreux. Pour les journées du patrimoine, les gestionnaires du lieu ont fait appel à une jeune chorégraphe du Var, Marie Delas formée entre autres,  au Brodway Dance Center de New York.

Marie et  sa jeune compagnie «2si 2la» ont proposé un parcours déambulatoire en liaison avec un guide du lieu. Voir le monument autrement, pour mieux ressentir la pierre, pour mieux la comprendre.

Pari risqué et ambitieux pour la chorégraphe qui propose une création sous le titre « Souls », c'est à dire âmes.

Rappelons cependant que le couvent est un exemple particulier dans l'histoire de la religion catholique. Alors que le clergé se pare de richesse, un moine Robert de Molesme propose de revenir à une autre vision de l'église en s'appuyant sur la règle de Saint Benoît qui prône humilité et pauvreté. Seuls le travail et la prière doivent animer les moines. Mais l'ordre va prendre une énorme expansion, et cette abbaye va même devenir très riche à son tour avant de péricliter à la révolution et à fermer tout simplement dans un état proche de la ruine...

Ce prieuré reste cependant exceptionnel, dans son architecture et ses bâtiments. Notons l’acoustique de son église qui est très singulière. Lorsque on lance une note, celle-ci tient sept secondes, un vrai ravissement et une rareté extraordinaire.

Au milieu de ces bâtiments Marie Delas et sa troupe vont danser les corps enfouis, les traces des moines... On est alors dans ce rapprochement si recherché du corps et de l'esprit, de l'humain et de l'âme, du matériel et du spirituel, on revient donc aux sources de l'ordre monastique, à Saint Benoît.

Au travers de cette déambulation, elle a su mettre en place des épisodes de vies émergeant des pierres du passé. Tels des esprits libérés de leur gangue, débarrassés de leurs attaches matérielles. Les danseurs vêtus de blanc, couleur des bures des moines vont jouer de leur corps pour évoquer comme une présence qui s'enfuit, comme un instant volé à l'éternité, déplacements fugaces, gestes ébauchés, regards perdus.

Ainsi de salle en salle on assiste à cette incarnation éphémère, à ce rapprochement avec l'âme. On revient de ce fait vers celui qui a fondé l'ordre. L'esprit et le corps sont en fusion, en cohésion. L'être de chair est la passerelle entre deux mondes. Sous nos yeux, il y a comme une libération, une ouverture, un passage. Bel ouvrage tout en délicatesse que parviennent à nous transmettre Marie et ses danseurs.

Aucune forfanterie, de l'humilité, du travail, une chorégraphie qui est ancrée dans cette abbaye comme une pierre polie par la trace du temps révolu.

La tâche était d'envergure, le pari difficile... tout a été gagné. Merveilleux moment que ce spectacle qui fut longuement et chaleureusement applaudi par une foule dense rassemblée dans l'église communiant pour le dernier tableau. Moment magique où les danseurs étaient au milieu de l'assemblée avec leur souffle court et la grâce de circonstance, où ils n'étaient que ces souvenances d'un passé estompé dans le bâti.

Très belle initiative qui a donné une autre approche, un autre regard vers ce magistral monument.

On est sorti du monde du matériel pour atteindre le spirituel, avec eux on s'est élevé vers le divin, on a retrouvé Saint Benoît et ce même si on n'est pas croyant.

Bravo à Marie Delas et à ses danseurs.

Jean Michel Gautier

 

Abbaye du Thoronet

chorégraphie de Marie Delas

avec la compagnie « 2 si 2 la » : Antoine, Marie, Laurane, Eden et Tilleli

 

 

Mis en ligne le 19 septembre 2018