AMITIÉ

 

Humour et eau salée loupe 

 

Un quatrième Roi mage, venant de Naples, veut suivre l’étoile jusqu’à Bethléem mais se trompe de direction et, au bout d’aventures à Rome et Paris, arrive en retard en Palestine : le Christ est mort depuis longtemps ! Tel est le scénario imaginé par Pier Paolo Pasolini, pour ce projet qui s’annonçait comme un road movie, un film « théologique pornographique à grand spectacle » comme il le disait lui-même avec malice, mais qu’il n’a pas pu mener à bien à cause de son assassinat en 1975 sur la plage d’Ostie. Si l’on ajoute que le Napolitain en question devait être joué par Eduardo de Filippo, on imagine à peine ce que ç’aurait été !

Irène Bonnaud essaye donc de passer à l’acte, mais sur les planches. Le film n’étant qu’ébauché, elle a choisi de rebondir sur l’amitié qui liait Pasolini et de Filippo – que tout opposait sauf l’art – pour raconter l’histoire esquissée par le premier grâce à un assemblage de petites scènes écrites par le second. Avouons-le tout net : le résultat tient parfois du bricolage plus que d’une histoire suivie qui serait parfaitement linéaire et lisible. Mais c’est tout le charme de ce théâtre de tréteaux qui rend formidablement l’esprit des petites troupes ambulantes italiennes ou des compagnies qui fourmillaient, notamment à Naples, avant le fascisme et la guerre. Dès les premiers instants de la pièce, la mise en scène d’Irène Bonnaud servie par trois formidables comédiens excelle à rendre cette atmosphère chaleureuse de comédie populaire, joyeuse, festive, inventive et proche du public. C’est un souffle d’air frais qui souffla ce soir-là dans la nuit de Figeac. Rien ne pouvait mieux convenir pour faire la clôture de cette édition exceptionnelle du festival.

Frédéric Manzini

 

Amitié

Textes d’Eduardo De Filippo (traduction Emanuela Pace), Pier Paolo Pasolini (traduction Hervé Joubert-Laurencin et Davide Luglio).

Mise en scène : Irène Bonnaud assistée de Katell Borvon

Costumes : Nathalie Prats

Lumières et régie générale : Daniel Lévy

Avec : François Chattot, Jacques Mazeran et Martine Schambacher