LE FESTIVAL DE FIGEAC : LA GASCOGNE À L’HONNEUR !

Espace Mitterrand à Figeac et Place Champolion

 

CYRANO loupe Photo Baptiste Lobjoy

Alternative ou complément à Avignon, le festival de Figeac (théâtre) et Saint-Céré (opéra) offre une toute autre atmosphère. Figeac, petite ville magnifique du Lot, accueille en ce moment en ce moment seize spectacles (dont des créations), vingt-quatre représentations et divers rendez-vous avec le public.

Celui-ci se compose pour un tiers d’habitants du cru, et pour le reste de touristes et voyageurs (Figeac constitue une étape pour les pèlerins du chemin de Saint-Jacques). Les salles sont combles, les spectateurs enthousiastes.

La représentation de Cyrano qui a ouvert le festival mardi 23 Juillet a ainsi reçu une standing ovation. Et ce en dépit de la chaleur caniculaire, vivement ressentie à l’espace Mitterrand où se jouait la pièce, de la longueur de la représentation (près de trois heures), et du caractère parfois difficilement audible de certaines répliques. La salle n’est en effet pas un théâtre à proprement parler, et il faut saluer l’effort des équipes techniques pour l’aménager.

Seulement voilà, un grand classique revisité et « dynamisé » (avec un accompagnement à la batterie et à la viole de gambe notamment), une troupe énergique (la compagnie de la jeunesse aimable, avec la mise en scène de Lazare Herson-Macarel), le bonheur jamais démenti d’entendre certaines tirades savoureuses d’Edmond Rostand, et le public fut conquis.

 

Deux jours après, les Gascons étaient encore à l’honneur avec la série théâtrale Les Trois Mousquetaires, présentée par le collectif 49701 (ne demandez pas pourquoi, le collectif tire son nom du code de leur lieu de répétition à Asnières).

Ces jeunes artistes (ils ont une trentaine d’années) adaptent au théâtre ce qui fut au départ un roman feuilleton, en reprenant les codes de la série TV : en cela, ils sont bien de leur époque. Générique, « cliffhanger » à la fin de chaque épisode : le suspens est à son comble ! Le public, ravi, pourra les retrouver pour la deuxième et troisième saison samedi 27 et mercredi 31 Juillet respectivement.

Leur démarche apparaît éminemment politique. D’abord par le choix de jouer dans des lieux ouverts. Foin des salles de spectacles, le collectif vise à tisser un lien entre patrimoine institutionnel, architectural et littéraire. S’ils ont déjà présenté les premières saisons dans de nombreux lieux insolites, la ville de Figeac offre un écrin de choix pour ce spectacle déambulatoire.

Le premier épisode s’est ainsi tenu place Champollion, devant un public esbaudi de spectateurs et de badauds attablés aux cafés (il fallait cependant avoir payé sa place pour les suivre dans les venelles afin d’assister aux épisodes suivants).

S’insérant dans la démarche du festival, et de sa directrice, Véronique Do, qui vise à aller chercher de nouveaux publics, ces jeunes artistes amènent le théâtre dans la rue – et quel théâtre ! – Sans craindre l’anachronisme, ils offrent une version à la fois fidèle et contemporaine de l’œuvre de Dumas, ne rechignant pas à faire arriver Milady en scooter ou à grimer les gardes du cardinal en flics d’aujourd’hui.

Leur démarche est politique également dans le sens où, en donnant à entendre cette intrigue qui se noue sur fond de guerre avec les huguenots, l’histoire résonne étrangement avec la situation française actuelle et le climat latent d’islamophobie. Ici, pas de bataille de cape et d’épée mais une parodie d’émission de critique littéraire où le chef d’œuvre de Dumas est taillé en pièce, ou la reproduction d’une interview télévisée en duplex avec le roi Louis XIII.

On salue le coffre de ces comédiens et comédiennes qui jouent en plein air sans être sonorisé(e)s, et qui parviennent à se faire entendre très distinctement même dans des duels verbaux à chaque bout d’un stade de foot. Il serait impossible de rendre compte ici de tout ce que cette forme a de jouissif et d’enlevé. On en redemande !

Marie du Boucher

 

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Mis en ligne le 23 juillet 2019