RECONSTITUTION

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Festival de théâtre en français de Barcelone

 

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loupePhoto Tristan Jeanne Valès

Pascal Rambert est un auteur mondialement connu. Ce dramaturge scénographe et chorégraphe a une œuvre qui se déploie, dérange, se renouvelle. Ici, il a choisi d’écrire, à leur demande, pour deux comédiens, fondateurs du Panta-théâtre à Caen.

Sur l’immense plateau nu, qu’aucun rideau de scène ni pendrillons ne viennent réduire et sous la lumière crue d’une vingtaine de néons, un dispositif hétéroclite composé de quatre grandes tables métalliques à roulettes, un ventilateur, une machine à fumée, un tuyau d’arrosage, des tasseaux et certainement d’autres objets que j’oublie peut-être, faisant penser au théâtre que l’on bricole, enfant, pour peu qu’on ait ce goût-là. Sur une des tables, à jardin, un grand nombre de cartons empilés, à cour seulement deux ; les deux tables centrales portent l’une un réchaud et une casserole, l’autre des bougies.

« Là, c’est la table du passé, la table des boîtes notre vie dans des boîtes quelle ironie tous ces moments pliés dans des boîtes des moments à deux puis à trois réduits à des choses pliées rangées, glissées dans des boîtes (...) entre les tables du passé la table du souper avec tout ce qu’il faut pour dîner comme on a dîné 1.460 fois ensemble à côté́ entre la table du souper et ta table du passé, la table de la reconstitution. »

Dans cet univers qui fait penser à un hangar, deux personnages se retrouvent. Un enjeu pour eux, comprendre ou, à défaut, faire revivre le moment de leur rencontre et ce qu’il en est advenu.

Le temps a passé, il l’a laissée. Un abandon dont elle ne s’est jamais remise. Ils ont une fille, loin, qui ne donne plus de nouvelles à sa mère, on ne saura pas pourquoi. Là n’est pas l’important, tout tend à cette fameuse reconstitution de la rencontre. On s’aperçoit vite que c’est la femme qui dirige, elle donne des ordres que l’homme exécute plus ou moins maladroitement, suscitant quelques rires.

Mais avant, il y aura des moments de gêne, de creux, l’occasion, aussi, d’assister à de superbes monologues de la comédienne, sur les filles et les mères, sur l’amour (le faire, comment, pourquoi ?), beaucoup d’émotion, avec en particulier une scène qu’accompagne la chanson de Barbara « Une petite cantate ».

Lui est toujours un peu emprunté, étonné de ce qui se passe : elle mène le jeu, cherchant à dénouer "ce nœud" et prônant que la relation amoureuse, la femme, seule, la vit vraiment.

Rambert joue avec maestria de l’ambiguïté, jeu dans le jeu, équivoque où l’on se demande où finit le vécu et où commence cette autre vérité, celle du théâtre. D’autant que l’auteur a donné aux deux personnages les vrais prénoms des comédiens

Et la reconstitution se déroule enfin sous nos yeux. On change de registre et c’est toujours aussi prenant par la grâce de l’écriture, dense et précise autant que délicate et sensible, un véritable pugilat verbal, où se mêlent passé et présent, amour et ressentiment ; par la grâce aussi du jeu des comédiens.

Guy Delamotte a une simplicité et un vécu qui touchent. Il renvoie la balle avec efficacité. Véro Dahuron livre une superbe et impressionnante prestation, tour à tour enfantine et tragique, notamment dans un des monologues particulièrement long, rapide, sans respirations qui nous a littéralement coupé le souffle, nous emportant comme dans une vague. Les deux comédiens sont magnifiques, et une poésie étrange se dégage de cette tentative de s’appuyer sur le réel, un réel dérisoire, pour tenter d’évoquer l’ineffable nous conduisant peu à peu vers la fin, une fin bouleversante.

Un spectacle doux -amer dont on se souviendra longtemps.

Nicole Bourbon

 

Reconstitution

Texte, mise en scène, scénographie et lumières : Pascal Rambert

Avec : Véro Dahuron, Guy Delamotte

 

Mis en ligne le 10 février 2019