FEMME NON RÉÉDUCABLE, ANNA POLITKOVSKAÏA
Au Bout Là-bas
23, rue Noël Biret
84000 – Avignon
tel: 06 41 30 53 27
du 7 au 31 juillet
à 13h45
Relâches : 12, 19, 26 juillet
Revue par nécessité. Parce qu'il faut des personnes qui témoignent et d'autres pour les écouter, mais surtout parce que ce qu'elles nous disent ne doit pas être paroles en l'air, je suis allée revoir la pièce Femme non rééducable, Mémorandum théâtral sur Anna Politkovskaïa.
Entre presque rien et ... presque rien, il y a parfois beaucoup. Vue en 2020, dans un Festival réduit à peau de chagrin, sous la forme naissante d'une lecture théâtralisée, j'avais hâte d'en découvrir la mise en scène prévue pour cette Édition 2021. Sans attendre j'ai aussitôt couru assister à la Générale.
C'est un fait, du bureau et de la chaise précédemment utilisés, reste la chaise et rien d'autre, ce qui peut ne pas représenter beaucoup de changement. Une seule chaise pour lui, Laurent Mascles, tour à tour rapporteur, colonel, terroriste, homme d'état, impressionnant de force et de convictions dictées par des Pouvoirs extrêmes, dans un jeu parfaitement étudié et maîtrisé... Elle, Marie de Oliveira, interprète de Anna Politkovskaïa, toujours debout, comme avant, tendue jusqu'à l'extrême dans une profonde intensité.
Rien qu'un bureau en moins donc, et pourtant tout semble différent.
L'écran de fumée utilisé plus ou moins en continu ; les jeux de lumière entre ténèbres et pénombre avec parfois l'éclairage soudain de chacun des acteurs jouant alternativement, effets de projecteurs rappelant ceux d'un interrogatoire, ou lumière voilée tentant de les unir sur un point de vue, un doute, un questionnement, un compromis – bien évidemment impossibles – ; la musique de Gilles Monfort composée spécialement, un rien psychédélique, très prenante, indissociable des dialogues ; enfin le jeu, surtout le jeu de ces deux excellents comédiens, un rien de gestes, tout dans la diction, le Verbe, le ton... et les regards! Oh ! l'intensité des regards !... leur perte dans les profondeurs noires de la salle, au-dessus de nos têtes, rivés sur une menace invisible qui semble peser sur nous, quelque chose d'encré en eux qui nous échappe.
Tout est d'une profonde et terrible intensité. Nous sommes pris dans cette situation infernale que vivent la Tchétchénie et la Russie en forces opposées depuis des années, des décennies, des siècles... voire toujours. C'est d'une violence terrible à laquelle il nous est impossible d'échapper tant le texte de Stefano Massini traduit par Pietro Pizzuti, parfaitement respecté et restitué, est fort et puissant.
La journaliste Anna Politkovskaïa pourrait sembler frêle et fragile dans cet univers guerrier mais il n'en est rien, bien au contraire. Malgré ses doutes et ses incertitudes, ses questionnements et ses hésitations à certains moments, c'est bien elle qui mène le jeu, ou presque... jusqu'à sa mort, décidée sur ordonnance. Devenue Femme non-rééducable, dans l'impossibilité d'un retour en arrière et d'un changement d'opinion, inéluctablement dans ce contexte, quelque part, à un moment, elle avait fait son choix.
Catherine Giraud
Femme non rééducable Anna Politkovskaïa
Metteur en scène : Laurent Mascles
Interprètes : Marie De Oliveira, Laurent Mascles
Musique originale : Gilles Monfort
Régisseur : Michel Bajou
Mis en ligne le 13 juillet 2021
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