LETTRES À ANNE

Sham's
25, rue Saint Jean Le Vieux
84000 – Avignon
+33 (0)7 68 61 84 45 +33 (0)6 60 96 84 82

19h
Du 5 au 28 juillet
relâches : 8, 15, 22 juillet

 

Lettres à Anne loupe 

François Mitterrand : un homme qui a fait l’objet de tant de controverses !

On peut ne pas aimer l’homme politique au passé pour le moins trouble,

On peut ne pas aimer l’homme privé à la réputation de chasseur et de séducteur,

On peut déplorer qu’il ait largement entretenu Anne et leur fille Mazarin aux frais du contribuable.

Pourtant, le spectacle mis en scène par Nicolas Fage ne peut qu’émouvoir !

On connaissait l’homme politique ; on découvre le poète romantique. Un homme sensible et aimant, à l’opposé de sa réputation de Sphinx impénétrable ; un homme capable d’écrire des lettres d’une rare intensité durant plus de trente ans, des lettres témoignant de sa haute maîtrise de l’art d’aimer, tout en exerçant des fonctions politiques majeures.

Derrière un micro, Anne Savelli, la voix hésitante, débute par ces mots : « J’ai longtemps pensé que j’étais l’héroïne d’une histoire que l’on ne verrait jamais ; mais maintenant, on va la voir. » En 2016, elle a en effet confié à Gallimard le soin de publier les quelques mille deux cents lettres que lui a adressées François Mitterrand entre 1962 et  1995. Une correspondance amoureuse hors du commun !

« J’ai la faiblesse d’espérer que vous aimez ce que j’aime », n’hésita-t-il pas à lui écrire au tout début de leur relation, avant d’ajouter quelques temps après : « je crois que je peux vous aimer comme rarement une femme a été aimée. » Et oui, ce fut le cas ! Grâce à elle, il se sentit d’ailleurs comme un homme neuf, et éprouva des sentiments inconnus jusqu’alors. Ce fut un amour édifié contre tous les éléments déchainés, un amour digne des mythologies, et que seule la mort pouvait interrompre !

On retiendra ces mots merveilleux de Mitterrand :

« Je bénis, ma bien-aimée, ton visage où j’essaie de lire ce que sera ma vie. Là où je vais, je sais au moins que tu seras toujours. Je bénis ce visage, ma lumière. »

« Anne est semblable à la vague violente et pure. Elle donne et prend, mais elle sait qu’elle donne et ne sait pas qu’elle prend. Quand elle se brise, elle n’est pas écume, mais lumière. »

Nathalie Savalli nous montre toutefois une Anne qui tentera d’abandonner, à de multiples reprises, cette relation clandestine pour ne pas devenir la captive de Mitterrand. Et son amant sera en proie aux pires tourments : « imaginer que tu puisses appartenir à un autre physiquement m’est atroce », lui écrira-t-il. Mais elle l’aimait de toutes ses forces, et n’y parviendra jamais.

Et si, au fond, c’était l’amour de cette femme restée dans l’ombre qui avait donné à Mitterrand la force d’accéder à la magistrature suprême ? Et s’il avait incarné la plus belle façon d’aimer : mettre l’amour dans les mots et les mots dans l’amour ? Et si un jour étaient publiées les lettres d’Anne Pingeot à François Mitterrand, qui elles aussi vraisemblablement sublimes, auront fécondé la plume de l’homme politique ?

Bravo à Nathalie Savalli pour son jeu tout en pudeur et délicatesse, en subtilité et sensibilité, parfaitement en accord avec la discrète et néanmoins passionnée Anne Pingeot.

Bravo à Serge Barbuscia pour sa voix off aux accents mitterrandiens,

Bravo à Frédéric Fage pour sa brillante mise en scène (signalons des extraits de discours de Mitterrand et de films issus des archives de l’INA),

Et bravo à Olivier Oudiou pour le jeu de lumières.

Un très beau spectacle à voir absolument, au Sham’s Théâtre, tous les jours à 19h, du 5 au 28 juillet (relâches les lundis).

Fabrice Glockner

 

Lettres à Anne

Auteur : François Mitterrand
Metteur en scène : Frédéric Fage

Avec : Nathalie Savalli

Création lumière : Olivier Oudiou

 

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Mis en ligne le 17 juillet 2019