OLEANNA

Théâtre Girasole
24 rue Guillaume Puy
84000 Avignon
Tél : 04 90 82 74 42

12h30

Mis en ligne le 26 juillet 2013

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Oleanna

Sur une chaise, Carol, 20 ans, étudiante issue d'un milieu défavorisée d'une université américaine. Face à elle, John, professeur d'une quarantaine d'année, bel et beau parleur qui se veut quelque peu libre-penseur, sur le point d'obtenir sa titularisation et de franchir ainsi une étape décisive de sa promotion sociale.

Autant Carol est effacée, complexée, tendue, autant John est un homme qui a la réussite dans le sang, quelqu'un qui ne supporte pas l'échec, quelqu'un capable d'argumenter sur tout. Charmant, croyant que la lucidité peut s'accompagner d'optimisme et d'espoir, un peu le stéréotype de l'esprit d'entreprise américain, sûr de lui, sûr de pouvoir démêler n'importe quel cerveau emmêlé dans ses contradictions.

Toute la pièce de David Mamet se déroule entre ces deux personnages, dans le bureau de ce professeur, dans une suite de rencontres qui vont être une sorte de lutte psychologique allant crescendo vers une bascule du pouvoir.

« Je ne comprends pas » assène sans cesse l'étudiante. Et le professeur se jette corps et âme sur cet hameçon. Piqué au vif, défié par cette jeune femme au niveau du sens même de ses cours et du livre qu'il a écrit, il va tenter de la sauver, de la prendre sous son aile, de lui offrir toute l'aide qu'il peut lui apporter, comme s'il venait de recueillir un oisillon tombé du nid, un oisillon sans défense qu'il glisse entre sa chemise et sa peau pour lui donner sa chaleur.

Mais il s'agit ici d'une lutte de pouvoir : le pouvoir professoral contre la soumission demandée aux étudiants et la révolte de cette étudiante capable d'utiliser n'importe quel moyen pour détruire les belles certitudes de ce professeur. Capable même d'aller détruire sa vie, la salir, allant jusqu'à anéantir aussi bien sa vie privée que sa carrière professionnelle.

Les deux personnages sont interprétés avec rigueur et art par Marie Thomas et David Seigneur. Un excellent travail physique qui transfigure les personnages à mesure que l'intrigue fait basculer les rapports de forces. D'abord timorée, presque prostrée, dissimulée derrière son classeur de note, Carol devient de plus en plus grande, déliée à mesure que la menace qu'elle fait peser sur son antagoniste grandit. Dans un même mouvement inversé, celui-ci passe semble rapetisser et s'étioler tout au long de la pièce.

La mise en scène de Patrick Roldez est simple, dénudée, minimaliste. Elle permet à la mécanique psychologique du texte de David Mamet de s'épanouir sans parasitage.

Une mécanique toute empreinte d'une dérive possible de nos sociétés dans lequel le pouvoir n'est pas le pouvoir créer, mais le pouvoir d'humilier.

 

Bruno Fougniès

 

 

Oleanna

de David Mamet, traduction Pierre Laville
Mise en scène Patrick Roldez
Scénographie Claude Plet
Lumières Alexandre Dujardin
Musiques David Geogelin
Costumes Agnès Sargeni

Avec Marie Thomas, David Seigneur

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