VOTRE MAMAN

Théâtre de l'Atelier
1 place Charles Dullin
75018 PARIS
Tel : 01 46 06 49 24

Jusqu’à fin juin
du mardi au samedi à 19h, matinée dimanche à 16h
Le vendredi 16 et samedi 17 juin 2017, la représentation aura lieu à 18H30

 

Votre maman loupe Photos © Ch Vootz

La répétition. C’est sur ce principe qu’est construite cette pièce. six tableaux ouverts par la même apostrophe : « Votre maman… !! » Une maman qui vit dans une maison médicalisée, que son fils vient voir régulièrement et dont le directeur tente vainement d’ordonner les faits et gestes, les débordements, les fantaisies.

Tout se passe dans cette maison, dans un couloir donnant sur un jardin, un parc, un couloir clinique qui clôt la scène du théâtre de l’Atelier et la transforme en coursive fermée. C’est là que se croisent et que se retrouvent ou pas la vieille dame et son fils, un fils qu’elle ne reconnaît pas, le plus souvent. Un dispositif scénique intéressant, esthétique, qui rend bien compte d’une absence de profondeur contrainte, identique à l’étroitesse de la mémoire de la mère. Mais ce dispositif qui sert aussi d’écran de projection pour définir différents espaces induit apparemment un éclairage très inégal sur les visages des comédiens, ce qui atténue parfois l’intensité des expressions et les oblige à jouer de profil. Détail.

Bref, une situation dramatique puisqu’il s’agit de vieillesse, d’Alzheimer. Mais le ton de la pièce est tout à l’opposé du drame. Des répliques courtes, des quiproquos verbaux, des incompréhensions cocasses donnent un rythme de comédie absurde à l’histoire.  

La pièce de Jean-Claude Grumberg fait du théâtre d’évocation. Même lors de scènes absolument réalistes voire pragmatiques entre les personnages, les mots s’arrêtent ou se répètent, ouvrent des brèches de pensées par lesquelles on aperçoit subrepticement un bout d’histoire, un passé, une conviction. Les silences, eux aussi, sont d’insondables puits d’humanité, soutenus qu’ils sont par un regard qui flotte et se perd dans les souvenirs inviolés.

Toute la pièce est ainsi en constant équilibre entre l’absurdité, le rire et la gravité.

Trois personnages, et trois univers qui se frottent, s’échauffent et se griffent, trois univers comme trois galaxies éloignées de millions de kilomètres, fonctionnant dans des espaces-temps totalement étrangers. Trois personnages qui ne peuvent se comprendre puisqu’ils ne sont pas dans la même dimension.

Le directeur de cette maison médicalisée d’abord, incarné avec une finesse impressionnante par Philippe Fretun, n’est que préoccupation d’organisation, d’ordre et de gestion de personnel et de pensionnaires. L’ordre matériel.

Le fils, interprété avec intensité et bonhomie par Bruno Putzulu, est une étoile filante qui passe sans cesse, toujours à la recherche de sa mère. Il est agitation énigmatique, on ne sait pas ce qu’il fait ailleurs, son travail, on sait qu’il court beaucoup, qu’il tente de régler les problèmes, il court…

La mère enfin, Catherine Hiegel qui dans ce rôle est tour à tour touchante, drôle, spirituelle, d’un mot, d’un rien, d’un geste, est sans cesse en éclipse. Présente puis absente, ici puis ailleurs, elle-même puis une autre.

C’est bien sûr la mère, le centre des préoccupations. Un centre atteint de la maladie d’Alzheimer. Un vide qui est là qui est une autre.

Par d’infimes allusions, Jean-Claude Grumberg évoque alors, bribes par bribes, le passé de cette femme resurgi : les déportations nazies, les arrestations faites par les gendarmes français… car sous le rire, la dérision, la force de vie qui traverse tout le spectacle, avance cahincaha la mémoire de cette maman qui se souvient de sa propre maman déportée, morte d’épuisement pendant le voyage.

Les interprètes de cette jolie évocation du drame d’Alzheimer et plus largement du drame de l’oubli, marchent sur un fil tendu entre douceur et amertume, rire et terreur mais ils ne tombent jamais dans le pathétique.

Un texte d’une pudeur totale, presque trop grande, qui fait se demander si les jeunes générations, celles qui n’ont pas de souvenirs si lointains, feront le lien, jusqu’à ce que dernière phrase de la pièce, une question, prononcée par le fils, efface cette inquiétude :

"Et quand la dernière survivante aura rejoint les siens dans le ciel de Pologne, nous laissant seuls avec pour héritage sa chancelante mémoire, qu'en ferons-nous, nous orphelins"?

Bruno Fougniès

 

Votre maman

De Jean-Claude Grumberg
Mise en scène : Charles Tordjman
Scénographie : Vincent Tordjman
Lumières : Christian Pinaud
Images : Thomas Lanza
Costumes : Cidalia Da Costa
Musique : VICNET
Collaboration artistique : Pauline Masson

Avec : Catherine HIEGEL, Bruno PUTZULU, Philippe FRETUN et Paul RIAS

RELÂCHES : 

dimanche 23 et samedi 29 avril 2017
dimanche 7 mai 2017 
mardi 13, mercredi 14, jeudi 15 et mercredi 21 juin 2017

 

Mis en ligne le 23 avril 2017