VOLPONE ou le renard

Théâtre de la Madeleine
19 rue de Surène
75008 Paris
01 42 65 07 09

Du mardi au samedi à 20h30, le samedi et le dimanche à 17h00

Décidément, rien ne remplacera jamais le spectacle vivant.

Et si vous voulez voir du vrai, du grand, du beau théâtre, si vous voulez sortir d'une salle de spectacle, heureux et encore tout secoué d'émotions diverses, courez voir Volpone au théâtre de la Madeleine.

Que vous soyez habitué ou néophyte, vous serez séduit tellement c'est impressionnant de perfection et jouissif au-delà des mots.

Nicolas Briançon et Pierre Alain Leleu signent ici une adaptation qui fait ressortir tout le comique, le cynisme et l'actualité de cette pièce de Ben Jonson qui fut le grand rival de Shakespeare.

Tout ici est juste, esthétique, imaginatif, des costumes créés par Michel Dussarat – superbes dans un classicisme qui parvient à être moderne pour les comédiens et très Commedia dell'Arte pour les trois danseurs – à l'incroyable décor conçu par Pierre Yves Leprince, une immense salle des coffres dont les portes s'ouvrent parfois pour laisser voir les trésors qu'ils recèlent, le tout nimbé des jeux de lumière de Gaelle de Malglaive parfaitement en adéquation avec l'action.

Mené sur un rythme haletant qui ne laisse aucune place à l'ennui, les différentes séquences étant séparées par de la musique et des ballets d'une grande technicité – bravo aux trois danseurs exceptionnels qui les exécutent avec brio – la pièce déroule ses méandres mêlant avec bonheur texte du XVIIème et réparties modernes, scènes bouffonnes et densité dramatique.

Quant aux comédiens ! Ils jouent tous leur partition avec une aisance, un professionnalisme et en même temps un naturel, qui est la marque des grands.

Ils sont neuf et il est impossible de ne pas les citer tous, parfaitement mis en scène par un Nicolas Briançon inspiré qui joue sans cesse sur la dualité entre comique et tragique et sur l'ambivalence des sentiments.

Philippe Laudenbach, au visage connu aussi bien des amateurs de théâtre que des cinéphiles, ouvre le bal avec un avant-propos plein d'humour et de finesse. On le retrouvera dans la scène du procès, en perruque poudrée, offrant toute sa prestance au rôle du juge.

Plié en deux, Yves Gasc est un Corbaccio du plus haut effet comique en même temps qu'attendrissant parfois avec sa surdité qui l'isole de l'action, mais tout à fait indigne dans la scène qui l'oppose à son fils, Matthias van Khache, juvénile et ardent dans son costume blanc. Pascal Elso incarne avec la rigueur qui sied l'avocat Voltore, à la fois retors et crédule.

Deux scènes où intervient le marchand Corvino interprété par un Gégoire Bonnet au mieux de sa forme, sont particulièrement réussies : dans un boudoir descendu des cintres, il réussit à nous faire rire tout en nous faisant toucher du doigt sa grande misère sexuelle, chaussant talons aiguilles et se faisant fesser par une prostituée à laquelle Anne Charrier parvient à donner grâce et élégance.

Lorsqu'il veut obliger sa jeune femme à se donner au vieux Volpone, il est emporté par une mauvaise foi qui déclenche les rires tandis que la jeune Barbara Probst nous fait sentir par ses réactions d'une grande justesse combien cette demande est effroyable.

Quant aux deux protagonistes principaux, ils sont tout bonnement époustouflants.

Volpone, c'est le grand Roland Bertin, qui fut vingt ans à la Maison de Molière et qui campe un Renard d'anthologie, tour à tour matois et touchant, drôle puis émouvant, malin et enfantin. Enroulé dans ses couvertures, il geint, paraît dormir, puis soudain se réveille, l'œil tout frétillant de la bonne blague qu'il vient de faire. Il nous fait rire et nous émeut car on le sent à la merci de tous ces vautours qui le guettent, le traquent sans relâche alors qu'il croit les mener à sa guise.

Nicolas Briançon cumule avec talent les fonctions d'adaptateur, de metteur en scène et d'interprète. Il est un Mosca prodigieux de maîtrise, qui tire les ficelles et manipule son monde avec une élégance folle, une rouerie distinguée.

La dernière scène qui les oppose est d'une terrifiante et somptueuse intensité dramatique, écoutée dans un silence quasi religieux par une salle subjuguée et émue.

Très belle image finale : Tout est joué, Mosca reste là avec sa fortune, mais seul. Terriblement seul.

On a le sentiment d'avoir assisté là à un véritable chef d'œuvre.

Dans cette rentrée théâtrale qui présente nombre de spectacles de qualité, celui-ci est nettement au-dessus du lot.

Le public ne s'y trompe qui, avec de nombreux rappels enthousiastes, fait à toute l'équipe une généreuse ovation amplement méritée.

 

Nicole Bourbon

 

 

Volpone ou le renard

Une pièce de Ben Jonson
Mise en scène par Nicolas Briançon
Adaptation Nicolas Briançon et Pierre-Alain Leleu

Avec Roland Bertin, Nicolas Briançon, Anne Charrier, Philippe Laudenbach, Grégoire Bonnet, Pascal Elso, Barbara Probst, Matthias Van Khache et Yves Gasc.

Décors Pierre-Yves Leprince.
Lumières Gaëlle de Malglaive.
Costumes Michel Dussarat.

 

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