UNE FEMME CHASTE – LA GRANDE MÉLANCOLIE

Théâtre du Soleil
Route du Champ de Manœuvre
75012 Paris 
Tél : 01 43 74 87 63

Le 30 juin et le 01 juillet à 19h30, le 28 juin et le 5 juillet à 15h00

loupeCrédit photo : © DR 

Voilà un spectacle qu’on voit rarement sur les scènes parisiennes. Une pièce présentée par le théâtre Liyuan de Quanzhou, une troupe chinoise dévolue à ce théâtre ancien qui s’exprime par le jeu, le chant et la danse, un répertoire qui date de plus de huit cents ans et qui est arrivé jusqu’à nos jours par tradition orale principalement.

Le canevas est simple : une femme, devenue veuve alors que son enfant était encore en couches, est tombée amoureuse, sans se l’avouer, du précepteur qui s’occupe de son fils depuis dix ans. Or celui-ci, ambitieux, va quitter la maison pour rejoindre la capitale et y briguer une carrière de diplômé dans l’administration de l’empereur. La jeune veuve se voit contrainte de lui déclarer sa flamme mais celui-ci préfèrera les attraits de la carrière à ceux de l’amoureuse. Prise de remord et pour ne jamais oublier « sa faute », et retourner à la chasteté, l’héroïne va se couper trois doigts.

Dans la chine baignée par la philosophie de Confucius, les élans charnels et en particulier les désirs féminins étaient condamnés par la morale, et la chasteté pour celle-ci brandie en exemple ! Et pourtant, même si le fond de l’histoire est grave, tragique, le ton du spectacle est d’une tonicité ahurissante. Il souffle là le même esprit d’insolence que celui qui agite la Commedia del Arte. Beaucoup de points communs réunissent ces deux formes.

Dans le théâtre Liyuan, les maquillages sur-expressifs remplacent les masques mais une même importance du corps (gestuelle, attitudes, démarches, tenue, tics) est mise en jeu.

Ce qui frappe, c’est que cette gestuelle très codifiée (dix-huit mouvements de base) parle autant. Non seulement, elle définit le tempérament des personnages (manière de marcher, de se tenir, de bouger la tête, le buste, les bras, les mains) mais elle indique avec clarté et force, leurs humeurs, leurs émotions et leurs sentiments.

L’expression use de tous les segments du corps, de la pointe des cheveux à la pointe des pieds, visages, corps, membres, mains…

Tout parle.

La profération du texte est également à l’opposé du naturalisme, du réalisme… Les chants, les voix cherchent à rendre l’état d’âme par des sons cherchés au fond du ventre, de la gorge jusqu’au plus haut du crâne.

Et pourtant, ce qui est magnifique ici, c’est la richesse de ces humains-là. Un éventail incroyable très éloigné de l’unité de personnalité de notre culture occidentale. Ce sont des personnalités multiples, écartelées entre leurs désirs et l’ordre moral, entre la satisfaction des sens et la préservation de la réputation.

Cela donne des possibilités inouïes au jeu des interprètes qui passent sans cesse du rire de la farce au tragique le plus touchant. D’ailleurs, les deux couleurs se jouent souvent dans le même instant de façon magique et magistrale.

Outre les deux personnages principaux, la veuve (interprétée par Zeng Jingping qui cosigne la mise en scène) et le précepteur, quatre autres personnages hauts en couleurs traversent l’histoire : une servante et un serviteur puis l’empereur et son secrétaire. Ce sont des personnages d’un comique assumé, chargés eux aussi d’ironie et d’une insolence hilares, qui rappellent certains personnages de Shakespeare. Des scènes impitoyablement drôles qui caricaturent entre autre avec verve, l’empereur de Chine !

Un orchestre sur scène accompagne de bout en bout les acteurs avec leurs instruments traditionnels : flute, luth et percussion (tambour qui vient surligner certaines actions, cloches, gong…)

Les costumes très ouvragés servent eux aussi à la rigueur et l’esthétisme du jeu.

Entre opéra, comédie, tragédie, ce spectacle est d’une beauté bénéfique et sous des allures de farce et de légende, il distille une critique incisive de la condition des femmes et montre toute la bravoure que cette veuve déploie pour défier une morale trop despotique.

 

Ces deux spectacles sont programmés dans le cadre du Festival Idéal, Hors les Murs MC93,

Une autre pièce de la même troupe de théâtre est représentée au Théâtre du Soleil les 3 et 4 juillet à 19h30

La grande mélancolie

Un spectacle où Zeng Jingping est seule en scène, accompagnée par l’orchestre. Elle y déploie pendant une heure toute sa grâce, sa technique et sa profondeur pour exprimer par la geste, le chant et le texte, l’extrême mélancolie d’une femme dont l’amoureux vient de disparaître. Un manuscrit datant de l’époque Ming (1368-1644).

Spectacles sur-titré en français

Bruno Fougniès

 

Une femme chaste

Livret Wang Renjie
Traduction Josh Stenberg
Mise en scène Lu Ang et Zeng Jingping
Chef d’orchestre You Yubin
Directeur artistique Wang Pingzhang
Chant Lin Fufu, Zheng Yating
Régisseur Lin Xiaowei
Création lumières Georges Lavaudant, lumières Su Zhiqiang et Ke Yuehai
Son Huang Qiming
Maquillage Dong Hui
Costumes Chen Luo et Zhang Wanling
Accessoires Chen Huanhuang
Surtitrage Pascale Wei-Guinot et Zhang Jingjing

Avec :
Zeng Jingping, Gong Wanli, Zheng Yasi, Guo Zhifeng, Lin Cangxiao Et Lin Xiaowei

Musiciens :
Chen Hanji, Xu Peikun, Wu Qiqiang, Hong Shuwan, Zhao Yihui, Wu Yingying, Yao

Yiquan, You Yubin, Li Zhen, Li Zhihuang, Yang Zhijian

 

Mis en ligne le 28 juin 2015

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