UN PICASSO

Théâtre de Nesle
8 rue de Nesle
75006 Paris
Tél : 01 46 34 61 04

Jusqu’au 14 novembre
Du jeudi au samedi à 21h00

 

Un Picasso loupePhoto © François Vila

Le 31 mai 2003 est créée à Philadelphie une pièce de Jeffrey Hatcher qui imagine la confrontation à Paris en 1941 entre Picasso et Mlle Fisher, une « attachée culturelle » de Berlin.

Elle doit authentifier trois tableaux de Picasso récemment confisqués par les nazis à leurs propriétaires juifs. Le ministère de la Propagande nazie a en effet prévu une exposition de spécimens d ’« art dégénéré » qui se terminera en autodafé. 

Va alors s’engager une vraie joute verbale entre les deux protagonistes, Picasso essayant de sauver son œuvre en affirmant que ce sont des faux. C’est également pour l’auteur l’occasion de parler art, politique et sexe.

Si l’auteur n’échappe pas à certains clichés prévisibles, avec quelques phrases archi connues comme « Je ne peins pas ce que je vois, je peins ce que je pense » ou « Quand j’étais enfant, je dessinais comme Raphaël, mais il m’a fallu toute une vie pour apprendre à dessiner comme un enfant. » et aussi « La peinture n’est pas faite pour décorer les appartements. C’est un instrument de guerre… », on se laisse néanmoins vite emporté par l’histoire tant à ce jeu, les deux comédiens sont exceptionnels, donnant corps à leurs personnages avec un grand réalisme.

Charles Fathy est un Picasso d’une troublante ressemblance, tour à tour effondré, colérique, arrogant, manipulateur, séducteur.

Face à lui, Natalia Lazarus qui participe également à la production et à la mise en scène, crée un personnage étonnant, incarnation au début d’une nazie autoritaire sans tomber dans la caricature, pour dévoiler peu à peu son univers personnel en femme issue d’une famille cultivée et amateur d’art.

Tout en plongeant dans une partie de la vie de Picasso, le spectacle permet des échanges intéressants sur l’éthique artistique et la fonction de l’art ainsi que sur l’engagement politique d’un artiste, avec en point d’orgue leur confrontation sur Guernica, cette œuvre magistrale qui m’a valu un de mes plus grands chocs artistiques quand je l’ai découvert grandeur nature au musée de le Reine Sofia à Madrid.

« Vous avez fait Guernica, lui lance la jeune femme comme preuve de son engagement politique.

— Non c’est vous » réplique-t-il.

Nul cadre ne pouvait mieux convenir que les murs voûtés en pierre du théâtre de Nesles, évoquant immédiatement l’un de ces sous sols où avaient lieu les interrogatoires.

Cette histoire est une fiction mais a reçu l’approbation de la Fondation Picasso. Dommage qu’elle ait refusé qu’on présente les œuvres citées. Un peu incohérent.

Voilà en tout cas un beau moment de théâtre, intelligent et prenant.

Nicole Bourbon

 

Un Picasso loupePhoto © François Vila

Un Picasso

Une pièce de Jeffrey Hatcher
Produit et mise en scène par Steven Ullman et Natalia Lazarus

Avec Charles Fathy (Pablo Picasso) et Natalia Lazarus (Mlle Fischer)

 

Mis en ligne le 6 novembre 2015

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