THE GREAT DISASTER

Théâtre Darius Milhaud
80 allée Darius Milhaud
75019 Paris
Tel : 01 42 01 92 26

Jusqu’au 23 octobre 2015
Les vendredis à 21h15 
Les Dimanches 4 et 18 octobre à 15h

 

The Great Disaster loupePhoto : Macha Orlova

Anne Mazarguil met en scène au Darius Milhaud le très beau texte de Patrick Kermann, un texte écrit il y a une vingtaine d’années et qui prend une tragique résonnance actuelle.

Car il nous raconte l’histoire de Giovanni Pastore – ce nom revient sans cesse en lancinante anaphore – un émigré italien parti à la recherche d’un monde meilleur et qui disparaît oublié dans les cales du Titanic car embauché « au noir » pour être plongeur chargé des 3177 cuillères.

Et que Patrick Kermann élève en porte parole de tous les oubliés de la terre, les disparus dans les accidents ou lors de conflits, dans un espace temps aboli.

Ancré dans la réalité du naufrage du Titanic, le personnage s’égare soudain sur d’autres chemins avec ce style si particulier, comme un long poème donné en un souffle, sans ponctuation :

« Des milliers et des milliers de soldats dans la boue des jambes éclatées tripes à l’air poumons abîmés tranchées regorgeant de cadavres vite vite on referme et en 45 quand ils sont revenus de là-bas quelques-uns squelettiques le visage émacié numéro tatoué sur le bras avec des yeux vides d’avoir vu ce que personne n’aurait imaginé voir l’horreur et pire que la mort la fin d’une époque ».

Anne Mazarguil a choisi une mise en scène épurée, jouant avec ingéniosité de l’espace scénique que propose le Darius Milhaud, dans une simplicité qui laisse toute la place aux mots. Pas de décor, simplement deux malles, celle en bois du pauvre émigré qui deviendra table, abri, couchette et celle, luxueuse, d’Andrews, l’ingénieur ainsi que de multiples costumes et accessoires. Car c’est tout un monde qu’elle fait revivre tout au long des dix séquences qui composent le livre, les passagers du navire, riches ou pauvres, la famille de Giovanni et ceux qui ont croisé sa route. Des êtres dont on entend parfois les voix – enregistrées, superbe bande son très travaillée avec également de la musique et des bruitages – voix qui se croisent, se superposent, se brouillent. Un traitement quasi cinématographique avec même le mot The End inscrit sur un Titanic de papier lorsque l’histoire arrive à son terme.

Et un comédien, seul pour incarner tous les personnages, fabuleux Nicolas Leroy, qui nous prend par la main et nous emmène pour ce long voyage avec une force, une présence, une aura incroyables. Jamais il ne lâche le spectateur, le cherchant du regard, le prenant à témoin, le convoquant même parfois dans l’histoire.

 Un changement de costume et de voix et le voilà un autre, l’ingénieur, Gatti son employeur ou même la mamma. Avec ce parler respectant la syntaxe italienne, sans pronoms personnels devant le verbe qui lui donne une allure des plus poétiques.

Voix bien placée, diction parfaite, il s’approprie avec une conviction fascinante les mots de l’auteur, les fait siens avec une puissance écrasante et une émouvante intensité.

Jusqu’à ce que retentisse enfin les voix de tous les disparus, venues du fond des flots, celles des oubliés de la terre, des exclus, des exploités, des anonymes.

« Quand tous les rats avaient quitté le navire j’ai pu chanter et je n’étais pas le seul tous les travailleurs se sont levés les émigrants enfermés dans l’entrepont sont montés alors tout le chœur des gueux des forces de la terre s’est mis à chanter et de leurs canots de riches ils ont entendu une voix sortir du fond de la mer ».

C’est un superbe spectacle. Ne le manquez pas.

Nicole Bourbon

 

 The great disaster

De Patrick Kermann

Avec Nicolas Leroy

Mise en scène Anne Mazarguil

Avec les voix de Violaine de Carné, 
Philippe Collin, Liana Fulga, 
Delphine Lalizout, Anne Mazarguil, 
Judith Pavard et Laura Pèlerins

Chorégraphie : Antonella Gibilisco
Costumes : Alice Bellefroid 
Lumières : Saïd Hidjeb
Bande son : Jean-Luc Videux
Régie : Saïd Taftaf 

 

Mis en ligne le 6 juin 2015
Actualisé le 24 septembre 2015

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