TRAHISONS

À la Folie Théâtre
6 rue de la Folie Méricourt
75011 Paris
01 43 55 14 80

Jusqu’au 25 juin 2016
Du jeudi au samedi à 21h30

 

Trahisons loupe 

« Et toi, tu as déjà été infidèle ? » demande Emma à Robert.
« À qui ? » lui dit-il en guise de réponse…

Infidélité à soi, fidélité à l’autre – mais quel autre ? –, tout semble très relatif dans Trahisons. Tout le monde trompe tout le monde, et l’on s’aperçoit vite que tout le monde le sait : Emma trompe son mari Robert avec son plus vieux et meilleur ami Jerry, lui-même marié et père de famille, mais Robert trompe également Emma avec des maîtresses. Seule Judith, la femme de Jerry, semble fidèle, mais c’est aussi précisément celle qui n’apparaît pas sur scène. On en vient à s’interroger sur la sincérité des sentiments de ce triangle amoureux revisité et quand Robert confie à Emma qu’il a toujours plus aimé son ami qu’elle, on n’est guère surpris. Sont-ils réellement capables d’amour, ces êtres finalement trop vaniteux pour susciter une vraie empathie ?

Hakim Djaziri campe un Robert froid et menaçant mais un peu statique, Séverine Saillet une Judith qu’on aurait aimé moins en retenue, tandis que Fabien Leca fait un Jerry plus expressif convaincant. Dans un décor tout en noir et blanc éclairé de rouge sang et traversé par des panneaux translucides, la mise en scène de Carole Proszowski est assez neutre si ce ne sont les intermèdes hybrides qui interviennent entre les neuf scènes de la pièce : là, les comédiens dansent, seuls ou à deux, comme s’ils étaient pris de convulsions mimant des tourments intérieurs qui contrastent avec le chic de leurs costumes. Ce contraste inquiétant montre que l’univers bourgeois se tient toujours sur une corde tendue, à l’image de cet entre-deux dans lequel l’œuvre de Pinter évolue, entre Londres et Venise, entre la douceur des poèmes de Yeats et la violence des parties de squash, entre art et commerce, entre aveux et dissimulations, entre sobriété et ivresse, entre jeunesse et maturité, entre amour et trahison… ou entre un mari (ou une femme) et un amant (ou une maîtresse). D’où l’on ressort avec l’amer constat de la solitude terrible et vide de ces trois-là.

Frédéric Manzini

 

Trahisons

D’Harold Pinter
Traduction française : Séverine Magois
Mise en scène : Carole Proszowski

Avec : Séverine Saillet (Emma), Hakim Djaziri (Robert), Fabien Leca (Jerry).

 

Mis en ligne le 2 mai 2016