RICHARD III

Théâtre de Suresnes Jean Vilar
16, place Stalingrad, 92150 Suresnes
01 41 18 85 85
Samedi 16 février à 21h.

Ceci est une révolution. Non, je ne vous parle pas de l'Iphone 5, mais bel et bien de Richard III, adapté et mis en scène d'une manière originale, iconoclaste et néanmoins très réussie par un Jérémie Le Louët qui a eu l'audace, le talent et la mégalomanie de son personnage pour en assumer ainsi le premier rôle... avec succès !

Héritée des débuts perfectionnistes et inspirés d'un Shakespeare alors en devenir, cette pièce historique ô combien classique prend ici une tournure nouvelle, à la fois fraîche et moderne, nous plongeant dans un univers de méchanceté, de lâcheté et d'hypocrisie malsaines que la poésie des textes sublime, portant le personnage principal de la pièce éponyme au paroxysme de la cruauté et de la vileté humaines.

Réinterprétant l'ascension et la chute brutale du tyran Richard III, battu à la bataille de Bosworth par Henri Tudor, comte de Richmond et futur Henri VII d'Angleterre, la pièce originelle mettait déjà très librement en scène des événements qui ont précédé la fin de la guerre des Deux-Roses en 1485, lorsque la dynastie des Plantagenêts faisait place à celle des Tudors. Dans la lignée d'un Shakespeare ré-écrivain de l'Histoire anglaise, la Compagnie des Dramaticules s'est ici réappropriée la scénographie et la mise en scène d'une pièce qu'on imaginait pétrie de classicismes malgré l'anticonformisme patent des tirades et des péripéties de l'intrigue.

Dès le départ, jaillissant de l'obscurité et fendant avec fracas le silence de l'assistance, le Richard III de Le Louët piétine les conventions en présentant au micro le contexte et la trame de l'histoire, d'une voix lascive et d'un ton pervers et sournois qui laissent déjà présager la vicissitude de son ego. Egaux et fraternels face au malheur et au deuil dans lesquels ce dernier les plonge, les étreint et les broie, les autres personnages se voient un à un privés de leurs libertés d'agir, penser et aimer aussitôt que leur parenté ou leur statut social les confronte à la malice et au vice de l'ambitieux et séditieux conspirateur. Complotant ouvertement contre ses ennemis, ses proches et ses rares amis/adjuvants, le roi Richard montre un visage noir dont l'infamie et la rudesse suscitent pourtant le rire d'un public abusé car amusé par tant de vilénie et de bassesse chez un seul homme.

Tour à tour, les personnages de tous les comédiens en présence, sans exception, livrent une prestation de jeu et d'interprétation à couper le souffle tellement il y a d'intensité et de fougue dans leurs propos. Cela donne à la pièce un caractère dramatique qui ne peut que rehausser l'ironie comique des facéties grivoises et des moqueries narquoises d'un Richard III définitivement cynique et égocentrique. Mention spéciale à cet agaçant tyran qu'est Le Louët, à la postillonnante Marguerite de Stéphane Morcayrol, à la chevrotante Elisabeth de Dominique Massat et aux personnages naïfs et subversifs de Julien Buchy qui, comme David Maison, se paie le luxe de multiplier les rôles sans qu'on le remarquât.

Et enfin, se muant tantôt en place publique ou en huis clos via de sobres mais efficaces paravents à roulettes, l'espace scénique est pleinement exploité et l'enchaînement des actes est savamment orchestré pour livrer aux spectateurs un défilé fluide et rapide de saynètes où les décors sont épurés et le texte magnifié. Porté par la jeunesse de comédiens qui, l'air de rien, transmettent avec adresse et justesse la verve du verbe shakespearien, ce spectacle vivant ne pêche que par de rares longueurs (surtout à la fin), le rythme lent et indolent imposé par le déclin final du souverain prodigue tranchant alors franchement avec la cadence effrénée du déroulé initial de l'intrigue.

 

Camille Grosjean

 

 

Richard III
De William Shakespeare
Adaptation et mise en scène : Jérémie Le Louët
Scénographie : Blandine Vieillot
Costumes : Mina Ly
Lumière : Thomas Chrétien
Son : Simon Denis
Production : Compagnie des Dramaticules
Coréalisation : Le Théâtre 13
Coproduction : Le Théâtre de Corbeil-Essonnes ; le Théâtre André Malraux / Chevilly-Larue ; l'Arc-en-Ciel, Théâtre de Rungis ; la Scène Watteau / Nogent-sur-Marne

Distribution :
Julien Buchy : Clarence, Édouard et La Duchesse
Anthony Courret : Un assassin, Hastings
Jonathan Frajenberg : Buckingham
Noémie Guedj : Lady Anne
Jérémie Le Louët : Richard III
David Maison : Brakenbury, Rivers et Catesby
Dominique Massat : Elisabeth
Stéphane Marcayrol : Marguerite, Richmond

 

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