LE PRÉJUGÉ VAINCU

Au Théâtre MOUFFETARD
73 rue Mouffetard
PARIS 75005
Jusqu'au 7 mai

  

Le préjugé vaincu (de Marivaux)

 

Du mambo comme musique d'enchaînement et comme dress code, des tenues typiquement années 50, ah, on peut dire que pour ce « préjugé vaincu », le metteur en scène Jean-Luc Révol a eu la main leste ! Trop ? Au contraire. Disons que le petit père Marivaux, avec ses mensonges, manigances et autres manipulations (toujours un peu les mêmes) trouve ici un regain de fraîcheur.

Le thème de la pièce (créée en 1746 mais plus représentée depuis 1869) est le préjugé social : si maîtres et valets restent séparés et se marient entre eux, le problème vient ici de ce que Dorante, un bourgeois enrichi ne peut déclarer sa flamme à Angélique parce que c'est une aristocrate ! Il a alors l'idée de faire croire qu'il n'est pas vraiment amoureux lui-même mais qu'il représente un ami, bourgeois comme lui. Ceci histoire de tâter le terrain. Rapidement, sa demande est rejetée et il apprend que son Angélique adorée est promise à un baron. Désespoir de Dorante, qui n'a pas encore compris qu'on le faisait marcher : à stratagème, stratagème et demi ! On se doute que, d'un revirement l'autre, tout finira bien.

Il y aura eu, avant, le plaisir de voir se dérouler l'intrigue, bonheur de jouer pour les comédiens et pour le public de guetter chacune des trouvailles du spectacle.  A part une scène où la voix dans les aigus d'une comédienne se communique (à l'excès) à l'autre, tout est en place : le valet a l'air d'un groom qui pourrait s'appeler Spirou et la servante rouée roule les R dans un parler patoisant des plus réjouissants. Mais le meilleur n'est pas là : en ne choisissant pas des jeunes premiers fadasses, mais pour l'amoureux contrarié un ténébreux légèrement coincé et, pour la jeune première, une vieille petite fille, lectrice de « Cinémonde » frôlée par l'hystérie, Révol a fait le bon choix.

 De même et c'est elle le clou du spectacle, la mère, sublimement incarnée par Louise Jolly, paraît échappée d'un film de John Waters (vous savez bien, ce réalisateur américain, chantre du mauvais goût revendiqué) Avec ses cheveux peroxydés et son tailleur rose, Louise Jolly nous enchante à chacune de ses apparitions. Elle calme le jeu, entraîne ses partenaires vers le haut et  fait passer les mille et une nuances de son personnage pourtant stéréotypé dans le texte.

Ajoutez à cela les mimiques et soupirs pour de faux de Marie-Julie de Coligny (Angélique), la gestuelle très cartoonesque de Cédric Joulié (le valet Lépine) et, bien sûr, les numéros de danse rythmant la soirée.

Le spectacle ne fait que commencer. Il est programmé jusqu'au 7 mai et nous ne pouvons que vous inciter à y courir.

 

Gérard NOEL

 

Mise en scène de Jean-Luc Révol

Avec Olivier Broda, Marie-Julie de Coligny

Louise Jolly, Cédric Joulié et Anne-Laure Pons