POURQUOI  ÈVE VIENT-ELLE CHEZ ADAM CE SOIR ?

Au centre de Wallonie – Bruxelles
46 rue Quincampoix
75004 PARIS  
du 14 au 17 nov à 20h.
Le 18 nov à 17h
Tél : 01 53 01 96 96

Étrange sensation que procure ce spectacle : on y croit vivre un rêve éveillé, une sorte de voyage inédit dans des sphères auxquelles, effectivement, on n'a pas l'habitude au théâtre. Qu'on en juge : il y est question d'un homme cloîtré. Il a accumulé dans une sorte de refuge des photos, des objets, …objets de sa vie, objets témoins, du moins on peut l'imaginer. Dès le début, nous sommes dans la redondance : le personnage d'Adam souligne verbalement les actions qu'il exécute. Il parle de café en s'en versant. On se demande un peu où on est.

Ah si, précision très importante, tout ceci est vu à travers des vitres, vitres constituées de miroirs sans tain. Ce qui signifie qu'au début, nous nous voyons dans les miroirs et dès que cela s'éclaire sur scène, nous voyons les personnages qui, eux, ne nous voient pas.

Là est visiblement l'essentiel : un travail avec une réflexion poussée sur le spectaculaire, la téléréalité notamment. Un travail riche sur les sons, la musique. À la limite, le propos n'est pas si important, pas plus que le jeu des comédiens, parfois approximatif. L'incommunicabilité est soulignée par le fait que les personnages recourent à certains moments à des langues différentes (flamand et suédois m'a-t-il semblé) Adam, c'est l'homme de l'origine, bien sûr, c'est l'homme labyrinthique, la savant reclus dont la situation pourrait perdurer à l'infini si une visite ne venait pas tout perturber : la visite de LA femme, bien sûr, à savoir Ève.

On pourrait déplorer (et en même temps, pourquoi ?) que tout cela ne soit pas davantage exploité, qu'on se contente d'une petite danse rythmée et d'un changement du costume d'Ève pour faire percevoir un bouleversement dans la relation entre les personnages.

Si une référence ajoutait quelque chose à l'appréhension de ce spectacle, ce pourrait être « À bout de souffle » de Jean-Luc Godard. Là aussi, la banalité des échanges était voulue et son côté incongru faisait parfois sourire. Ici aussi, on procédait à une sorte de collage avec emprunts nombreux et savants. Il y avait aussi des répétitions « signifiantes ». On n'aurait pas été surpris d'y entendre, comme ici, des références à Timothy Leary, l'inventeur du LSD.

Tout a été fait, en tout cas beaucoup, en matière de théâtre. Cela ne doit pas empêcher de jeunes créateurs, Anja Tillberg, en l'occurrence (également comédienne, dans le rôle d'Ève) de chercher, de nous livrer leur réflexion sur l'état du monde d'aujourd'hui. Sur la mémoire ou la création. Sur la « temporalité ». Sur « les décalages et les troubles » qui se multiplient en ce début de siècle.

Créé au festival actOral de Marseille, en octobre, le spectacle ne reste que peu à Paris. Il poursuit ensuite sa route à Liège et à Roubaix en 2013.

 

Gérard Noël

 

 

Pourquoi Ève vient-elle chez Adam ce soir ?

Une création UBIK groupe. Conception Anja Lillberg (également responsable de l'écriture et de la mise en scène avec Cyril Aribaud, Emilia Tillberg, Sylvain Daï, Yaël Steinman)

Interprétation : Anja Tillberg et Sylvain Daï.

Régie et œil extérieur Yaël Steinman.
Régie lumières : Cyril Aribaud
Régie plateau : Emilia Tillberg.
Son : Julien Courroye et David de Four.