POIL DE CAROTTE

Le Lucernaire
53 rue Notre-Dame des champs
75006 Paris.
Tel : 01 42 22 26 50
Du mardi au samedi à 18h30
Du 28 novembre au 2 février 2013

 

On a tous dans la tête le roman de Jules Renard qui raconte l'enfance maltraitée d'un enfant.

Moins connue est la pièce écrite ensuite par l'auteur six ans plus tard. Alors que le roman était composé d'une suite d'une cinquantaine de saynètes quasi théâtrales, la version scénique l'est curieusement moins avec peu d'actions : seulement quatre personnages, et onze scènes.

Autre différence majeure : c'est davantage le personnage du père qui est traité que celui de la mère. Et enfin, et ce n'est pas le moindre, l'ensemble est beaucoup moins cruel qu'il ne l'était dans le livre, comme si le temps ayant passé, l'auteur avait voulu davantage essayer de comprendre que régler ses comptes avec un passé douloureux.

Michel Pilorgé et Jean-Philippe Ancelle le mettent en scène au Lucernaire dans une version qui suit le texte à la lettre.

Cette pièce très courte – une petite heure – se joue dans un unique décor qui a son importance : une maison, où se réfugient le père, Annette puis la mère. L'adolescent, lui, n'y pénètre jamais, étrangement prisonnier dans le jardin, son univers.

Morgane Walther incarne Poil de carotte avec beaucoup de charisme, tour à tour rebelle et émouvant, fier et douloureux et une vitalité toute adolescente : belle scène que celle de sa rencontre avec Annette, où il fait en quelque sorte son auto portait non tel qu'il est mais tel qu'il se voit par les yeux de sa mère, opposition bien soulignée par Annette, incarnée avec humanité, malice et bon sens par Alexia Papineschi.

Celle-ci est l'élément catalyseur, c'est grâce à elle que le père et le fils vont nouer un dialogue qui va enfin les rapprocher.

Très émouvante aussi la scène où Poil de carotte raconte ses tentatives de suicide où la comédienne trouve la distance voulue.

Monsieur Lepic, rôle de premier plan, c'est Michel Pilorgé. Maladroit, malheureux, taciturne, complexe, rude et tendre, fort et fragile à la fois il donne une belle épaisseur à son personnage dans cet échange d'une grande intensité dramatique.

Alors que les rapports mère-fils étaient l'essentiel dans le roman, ici Madame Lepic, si elle est constamment évoquée, n'apparaît que peu, seulement dans trois scènes sur onze.

Brigitte Aubry parvient néanmoins à lui donner vie, d'un simple geste, d'un seul regard elle rend toute la complexité du personnage dont elle laisse deviner les failles.

La scène finale est superbe : Poil de Carotte s'élance vers sa mère, bras ouverts, celle-ci fait un seul geste de la main, dont on ne sait si c'est pour arrêter cet élan, lui dire de parler ou pour amorcer elle-même enfin un mouvement vers son fils ; celui-ci laisse retomber ses bras et murmure « rien ». Madame Lepic s'éloigne. Qu'en sera-t-il de leurs rapports futurs ? La porte reste ouverte…

 

Nicole Bourbon

 

 

Poil de carotte

Auteur : Jules Renard

Artistes : Morgane Walther, Michel Pilorgé, Annie Monange, en alternance avec Brigitte Aubry, Alexia Papineschi

Metteur en scène : Michel Pilorgé, Jean-Philippe Ancelle

 

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