POIGNARD

Théâtre de Belleville
94 rue du faubourg du Temple
75011 Paris
01.48.06.72.34

Jusqu’au 14 février
du mercredi au samedi à 21h15
et le dimanche à 20h30

Poignard loupe Photo © Soledad Pino

Parler du terrorisme en ce moment, à quelques encablures des lieux des attentats de novembre est un défi risqué.  La compagnie M.I.A.O.U, Mouvement d’Interprétation Artistique Originale et Utile, le relève haut la main. Les huit comédiens – tous remarquables – mettent leur énergie au service du texte du brésilien Roberto Alvim. Un texte un peu barré mais qui frappe là où ça fait bien mal.

Autour d’une table, un secrétaire d’état discute avec un entrepreneur : comment relancer l’économie ? C’est bien simple : en fabriquant un nouvel ennemi. Pour cela, ils souhaitent innover et implanter quelque chose qui n’existe pas encore chez eux, quelque chose du dernier cri, qui marchera à coup sûr : le terrorisme. C’est ainsi que naît la cellule révolutionnaire Club Mickey. Aucune difficulté à recruter des membres vu le nombre impressionnant de paumés influençables. Ils ont en commun le désir de lutter contre la culture populaire. Et ils sont même tellement motivés qu’ils sont prêts à mourir pour leurs idéaux. Pourtant, ces derniers ne sont pas à une contradiction près puisqu’ils se rebaptisent Minnie, Pluto, Daisy, Donald… Ainsi, ce qui pourrait sembler être un pied de nez malin à la superficialité ambiante n’est en fait que le signe de la vacuité de leur projet. Leur cible première est un boys band de beaux gosses en minishorts, les TNT, dont chacune des prestations déclenche l’hystérie des fans. Et dans le public, on rit beaucoup en écoutant leurs paroles, des punchlines savoureusement ridicules comme « mon cœur voyage en première classe » ou encore « mon cœur fait pop même en Uberpop ». La mise en scène dynamique fait cohabiter ces deux mondes. On fait des sauts entre celui des terroristes qui se disent artistes et celui des « artistes » qui massacrent le monde de la culture.

Les comédiens sont pleins d’énergie et interprètent une galerie de personnages hauts en couleur. Saluons d’ailleurs la traduction car, si le lieu n’est pas précisé, la traductrice – ou le metteur en scène ? – a inséré des références bien françaises. Certaines sont franchement drôles, comme la lecture de Oui-Oui par Jeanne Moreau. Et s’il y a une belle part de parodie, notamment avec la fan ou la chorégraphe, il y a aussi des moments plus profonds. Et ce, grâce au personnage interprété par Célia Catalifo qui s’interroge parfois sur sa place dans la cellule.

L’ensemble est particulièrement réussi, le temps file et à la sortie, on ne peut s’empêcher de se dire que tout cela a un goût cynique mais tellement d’actualité.  Et de penser et repenser à ce secrétaire d’état qui invite le Club Mickey à planter des poignards en pleine face pendant que lui, il les plante dans le dos de la société.

Ivanne Galant

 

Poignard*
*il faut parfois se servir d’un poignard pour se frayer un chemin

Texte : Roberto Alvim 
Traduction : Angela Leite Lopez

Mise en scène : Alexis Lameda-Waksmann

Avec : Rachel André, Celia Catalifo, Majid Chikh-Miloud, Eugène Durif, Adrien Gamba-Gontard, Claire Lemaire, Guillaume Perez, Benjamin Tholozan et Julien Urrutia

Ambiance sonore : Mathias Lameda
Paroles de chansons : Matthieu Devaux, Guillaume Perez, Thomas Poitevin, Benjamin Tholozan
Mise en musique des chansons : Matthieu Devaux
Costumes : Emmanuelle Belkadi
Lumières : Florent Penide  

Production : Groupe M.I.A.O.U. (Mouvement d’interprétation artistique originale et utile)

Avec le soutien du Théâtre 13, du Théâtre Romain Rolland de Villejuif, du Théâtre du Hublot, de la Générale de Paris, du Carreau du Temple et du CRTH. 

 

 

Mis en ligne le 5 février 2016