PERPLEXE

Théâtre du Rond Point
2 bis av. Franklin D. Roosevelt
75008 Paris
01 44 95 98 21

Jusqu'au 5 janvier 2014, 20h30

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Mis en ligne le 9 décembre 2013

Perplexe

« La musique joue, les projecteurs éclairent » (extrait du spectacle).

Théâtre dans le théâtre, démystification des rôles, absurde, parodie de boulevard, pièce philosophante sur l'aspect soluble des personnalités dans un monde où les certitudes ne tiennent que le temps où elles résistent à la réalité, discours sur la mort, la vie, l'évanescence des êtres.

Il y a tout cela dans cette pièce.

Deux comédiens, deux comédiennes qui changent de rôles par la force des choses, par la force des autres, qui s'adaptent à ce qui leur est donné comme place, comme si leur personnalité était faite de glaise, capable de s'adapter à tout : La pièce fluctue au rythme des répliques. Et l'on suit facilement ces transformations formelles : le couple d'amis qui étaient censés garder la maison en deviennent les résidents et forcent l'autre couple à s'éclipser, la jeune fille au pair devient en quelques secondes la femme du maître de maison, la femme devient une boniche immigrée etc.

Dans ce monde qui cherche à parler de l'absurde, tous les êtres sont interchangeables à vu. Et ils n'ont nulle révolte. C'est un monde fait d'acteurs capable d'accepter n'importe quel personnage. C'est un monde bourgeois qui s'ennuie, qui ne sait plus où il va ni où il est, qui ne sait plus qui est l'autre sinon une fonction : ma femme, mon mari, mon fils.

Un monde un peu loin de la planète des vivants mais drôle par sa vacuité. Même lorsqu'ils se risquent à essayer de penser la vie, l'ordre des choses, l'histoire, la mort, lorsqu'ils tentent vainement de comprendre qu'est-ce qu'ils fichent là sur cette terre en ayantt une vague illumination sous la douche ou en en ramassant par terre une phrase de Nietzsche. Même lorsqu'ils tentent de se penser en temps qu'individu, ils sont pathétiques.

Théâtre de l'absurde ne veut pas dire qu'il n'a rien à dire, au contraire. Mais dans cette pièce, on oscille entre le café théâtre du « Père noël est une ordure », des clins d'œil à Beckett et une grande bourrade à Ionesco.

Marius Von Mayenburg a construit là un puzzle amusant et distordu qui emporte les personnages sur la vague des mots qu'ils prononcent, une sorte de jeu jubilatoire et ironique qui pourrait être sans fin puisqu'une phrase déclenche une situation qui évolue avec d'autre phrases qui elles aussi…

La mise en scène de Frédéric Bélier-Garcia hésite (comme le texte) entre un désir de folie jamais atteint et un sérieux illusoire, comme s'il s'était contenté de suivre à la lettre les indications de l'auteur. Le spectacle manque du coup de cette cruauté vivifiante que l'on aimerait ressentir.

Un très beau travail d'interprétation fait respirer l'ensemble.

« Dieu est mort ! » annonce à la fin l'un des personnages citant Nietzsche.

« Dieu n'a jamais existé. » rétorque un autre personnage.

Voilà.

Bruno Fougniès

 

 

Perplexe

Texte de Marius von Mayenburg, traduction Hélène Mauler et René Zahnd (L'Arche éditeur)
Mise en scène Frédéric Bélier-Garcia
Décor Chantal Thomas
Lumière Roberto Venturi
Costumes Elisabeth Tavernier
Assistante à la mise en scène Pascale Michel

Avec
Valérie Bonneton, Samir Guesmi, Christophe Paou, Agnès Pontier