NOUS N'IRONS PAS CE SOIR AU PARADIS

Théâtre des Abbesses
31 rue des Abbesses
75018 PARIS. 01 42 74 22 77

Jusqu' au 11 avril 2014
à 18h.

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Mis en ligne le 2 mars 2014


© Fabienne Rappeneau

De l'œuvre énorme, hallucinée, de Dante Alighieri, Maggiani (d'origine italienne) n'a retenu que le début. Et encore : il ne lit pas le texte, ne se met pas en avant, comme certains, il préfère l'effacement derrière les mots, tout en se permettant des commentaires et autres digressions. C'est bien sûr ce qui fait le charme de ce court spectacle. Le sous-titre le dit bien, d'ailleurs : Serge Maggiani raconte l'Enfer, de Dante. Une scène nue et un micro. Un comédien.

Un poème à Béatrice ouvre le spectacle. À la fin, Dante voit Dieu. Retour sur l'œuvre où il s'avère que le paradis est impossible. Le sujet sera donc l'enfer.

Homme politique maudit, Dante devra quitter Florence, s'exiler. Une digression nous signale qu'en Italie, depuis longtemps, le pain n'est pas salé. « Quand on mange du pain, on mange de l'histoire. » Et aussi que Dante avait la peau brune : Serait-il donc revenu de l'enfer ? Maggiani souligne la formule « Pense, lecteur ! » qui revient plusieurs fois dans le texte et que nous, spectateurs sommes priés d'appliquer.

En 1300, Dante a 35 ans et il accomplit un voyage de trois jours vers l'Enfer. C'est une sorte de rêve éveillé, que l'on peut rapprocher de l'inspiration d'un Proust qui, comme chacun sait, « s'est longtemps couché de bonne heure ». Ici, le comédien nous convie à un voyage : il tutoie le spectateur, s'adressant non à tous, mais à chacun. Il raconte l'invention du purgatoire par l'Eglise. Il nous fait partager la détestation de Dante pour le pape Célestin V, sa rencontre avec Virgile et leur ascension d'une colline, la nuit, dans un paysage toscan (« un peu la Joconde sans la Joconde ! »).  Ce n'est qu'au chant 62 qu'il prendra Béatrice pour guide et ce qui s'en suivra.

Œuvre touffue,  initiatique, qui lance ses filets un peu partout, flirtant au passage avec le Saint Graal des chevaliers de la table ronde, la Divine Comédie est un pur enchantement : surtout quand Serge Maggiani, l'œil brillant et le verbe inspiré, nous l'évoque, nous la cite (en français ET italien). Il n'aborde QUE le premier chant et le cinquième, rappelant qu'il y en a cent en tout. Magie des nombres, 100, c'est 99 (9 fois 10) plus 1. Dans son œuvre maîtresse, Dante joue tous les rôles, il est l'amant, la femme et toutes les femmes.

Maggiani, lui, se souvient bien de cette phrase de Dante que lui citait son père : « Le pied ferme est toujours plus bas que l'autre. » Il est donc, dans son jeu, toujours en léger déséquilibre, sentencieux ou inspiré, nous régalant des sonorités de l'italien et nous faisant partager, brillamment, la magie des écrits du sieur Alighieri. 

Gérard Noël

 

Nous n'irons pas ce soir au paradis

Texte : la Divine Comédie, de Dante Alighieri. L'Enfer. Chants I et V.

Commentaires : Serge Maggiani.
Collaboration : Valérie Dréville.

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