LUCRÈCE BORGIA

Maison des arts de Créteil (MAC)
Place Salvador Allende
94000 Créteil
01 45 13 19 19

Du 15 au 18 octobre 2014 à 20h30
Puis en tournée dans toute la France

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Mis en ligne le 17 octobre 2014


Photo Arnaud Bertereau/Agence Mona

C'est l'événement théâtral de la rentrée.

Ceux qui n'avaient pas vu « Lucrèce Borgia » dans la mise en scène de David Bobée cet été à Grignan l'attendaient avec impatience, de même qu'ils sont curieux d'assister aux premiers pas sur les planches de Béatrice Dalle et de découvrir comment sera intégré le plan d'eau modulable au sein d'un espace clos.

Ils ne seront pas déçus.

Et de fait, l'adaptation par le jeune metteur en scène du drame en trois actes de Victor Hugo, représenté pour la première fois en 1833, est phénoménale.

Pour retracer l'histoire de Lucrèce Borgia, en partie fantasmée par Hugo de manière romanesque, David Bobée, comme à son habitude (« J'aime bousculer la notion de genre, croiser, mélanger les disciplines artistiques. », confie-t-il) s'entoure d'une équipe pluridisciplinaire mêlant acteurs, danseurs, acrobates d'horizons et de pays différents, qui animent le plateau d'un mouvement perpétuel, sautant, virevoltant, s'empoignant, buvant, s'éclaboussant, donnant ainsi vie aux scènes de liesse et de violence avec un dynamisme époustouflant.   

Lorsque Béatrice Dalle fait son entrée d'un pas lent, silencieuse et majestueuse, toute de noir vêtue, la salle a les yeux braqués sur elle. Actrice à la réputation sulfureuse, elle était, semble-t-il, toute indiquée pour incarner Lucrèce Borgia, femme démoniaque baignant dans le crime, l'adultère et l'inceste. « Ce qu'elle va prêter d'elle à ce personnage est quelque chose qui correspond bien », déclare David Bobée dans une interview, ajoutant : « Les deux femmes ont quelque chose de très puissant et de très contradictoire ». La comédienne est, sur scène, ce que le metteur en scène veut et attend d'elle. Elle donne à son personnage son agressivité mais aussi sa sensibilité lorsque, mère douloureuse, elle se trouve en présence du fils qui lui avait été arraché à la naissance, Genarro, et qui ne connaît pas sa filiation.

Quant à la scénographie, elle est spectaculaire. Dès leur entrée dans la salle, les spectateurs distinguent, sous l'éclairage sombre des lampes, l'espace aquatique qui occupe le plateau. Certains s'interrogent : est-ce vraiment de l'eau, ou bien un trucage qui en donne l'illusion ? Mais il s'agit bien d'eau, une eau noire, celle de la lagune de Venise, bien sûr, où se passe le premier acte, mais également l'élément liquide inquiétant des profondeurs, peuplé de monstres terrifiants. Notons qu'en 1997, un metteur en scène québécois, Claude Poissant, avait déjà eu l'idée de placer à l'avant-scène trois bassins remplis d'eau.

Chaque scène constitue un tableau vivant et captivant : le carnaval de l'ouverture, la scène où les compagnons de Genarro lui apprennent l'identité de Lucrèce Borgia, au grand désespoir de cette dernière, l'affrontement entre Lucrèce et son époux, la fête, enfin, chez la princesse Negroni, qui se transforme vite en orgie, puis en massacre.

Les acteurs, nous l'avons dit, donnent le meilleur d'eux-mêmes. Il faut aussi mentionner Catherine Dewitt, seule femme, avec Béatrice Dalle, au milieu d'une troupe d'hommes. Elle incarne avec classe et majesté la Negroni et illumine de sa blondeur la scène finale du carnage, tandis que le plateau s'embrase de rouge et que la guitare et les chants folk-grunge de Butch McKoy – excellent accompagnement musical ! – emplissent l'espace, en une véritable scène d'apocalypse.

Élishéva Zonabend

 

Lucrèce Borgia

D'après Victor Hugo
Mise en scène et scénographie : David Bobée
Assistanat à la mise en scène et dramaturgie : Catherine Dewitt
Composition musicale/chant : Butch McKoy

Avec : Béatrice Dalle, Pierre Cartonnet, Thierry Mettetal, Radouan Leflahi, Marc Agbedjidji, Mickaël Houllebrecque, Juan Rueda, Pierre Bolo, Jérome Bidaux, Marius Moguile & Catherine Dewitt