LES RATÉS

Au Lucernaire 
53 rue Notre-Dame des champs
75006 Paris.
01 45 44 57 34

Jusqu’au 21 mars 2015.
Du mardi au samedi à 18h30.

 

loupe

 

 

L’argument de la pièce tient en peu de mots : Jeff et Jeffy, frères jumeaux, sont nés avec une tête de rat. Comment survivent-ils, dans ce monde hostile ? Quelle est leur vie, leurs relations avec leur père…avec les autres, femmes incluses ? Sur le papier, le projet était séduisant. On y traiterait de la différence, de cette différence-là parmi toutes les autres. Ce serait une sorte de réflexion caustique mais réaliste et drôle à la fois. Et poignante. Mais il faut bien avouer que le traitement déçoit quelque peu : l’écriture de Natacha de Pontcharra fonctionne sur un mode ping-pong verbal et décline ses éléments de façon assez… prévisible. Le début intrigue, pourtant : les deux personnages s’enfuient de quelque part, mais d’où ? Ils alignent des jeux de mots « on était faits… Faits l’un comme l’autre… Faits comme des rats ! » Ou des propos « beckettiens » à base de ressassement. Le spectateur s’interroge. L’arrivée du troisième personnage, le père, ne résout rien : les trois hommes s’installent assez rapidement dans un rapport frontal avec le public. Ils se juchent sur des tabourets et reprennent leur récit. Leurs récits, plutôt, puisqu’il y est question de masques en latex qu’ils se seraient fait poser, de football, du supermarché Auchan où ils ont travaillé, de filles qu’ils n’ont pas eues (sauf en photo).

Le problème, c’est qu’on aurait pu être davantage touché par la tragédie de ces deux êtres différents. Tout n’est qu’esquissé. Pourtant, l’écriture de Natacha de Pontcharra a des fulgurances et la mise en scène, des trouvailles touchantes. Et si la pièce n’était, pour finir, qu’une (bonne) pièce radiophonique ? Ce ne serait déjà pas si mal.

Par bonheur, comme souvent, les comédiens sauvent la mise. On entrevoit, derrière leur jeu, des solitudes, un monde de tracasseries, d’humiliations grandes et petites : Jean-Yves Duparc a le front perpétuellement plissé et la rudesse d’un père dépassé. Jean-Christophe Allais est un gros nounours en quête de câlins et qui renifle son géniteur de façon animale. Rainer Sievert, visage anguleux et cheveux plaqués, est tout entier dans ce qu’il fait : un mélange détonnant de tragique et de bouffonnerie.

Gérard Noël

 

Les ratés

De Natacha de Pontcharra.
Mise en scène : Fanny Malterre.

Avec : Jean-Christophe Allais, Jean-Yves Duparc, Rainer Sievert.

Lumières : Stéphane Baquet.
Son : Manuel Langevin.
Costumes : Delphine Capossela.

 

Mis en ligne le 6 février 2015

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