LES MONSTRUEUSES

La Maison des Métallos
94 Rue Jean-Pierre Timbaud
75011 Paris
01 47 00 25 20

Jusqu’au 2 décembre
mardi, mercredi, vendredi 20h, jeudi, samedi 19h00, dimanche 15h00

 

Les Monstrueuses loupe 

Je lis très rarement les dossiers de présentations des pièces que l’on me propose (je sais que ce n’est pas bien). Cette fois encore, je n’ai pas lu. Peu importe de savoir l’avance ce qu’on va ou ne pas voir ! (garder un regard neuf, innocent, comme un spectateur de hasard). Alors pourquoi étais-je persuadé de venir voir un spectacle de danse ?

Lu tout de même (oui, trop vite, en diagonale, peut-être) les dix lignes de présentation où il est question de l’histoire des femmes à travers un siècle et sur deux continents. Alors l’imaginaire s’est dit qu’une thématique pareille ne pouvait se faire qu’en danse : un siècle, quatre générations de mères en filles, une heure…

Certes, je me suis trompé. Et de danse, rien. Non, du théâtre en fait. Mais pourtant la construction et phraséologie de ce spectacle semble et ressemble à la danse : rythme, figures, univers ébauchés, ruptures, collages de sens, de sensations, pulsations plus qu’évocations… l’étrange pertinence d’une construction fait de bris de miroir brisés que la narration de la comédienne peut seule réussir à réassembler pour que l’aventure se crée sur la scène.

Il faut aussi accepter de se perdre dans les bribes, les personnages qui se chevauchent, se croisent, s’enfantent dans cette histoire qui raconte l’héritage fait de femme à femme, de mère à fille. Héritage fait de la culture, mais aussi de l’offense, de la mort, de l’indicible amour aime, envie dégoût car qui donne la vie annonce la mort. Héritage individuel et collectif qui traverse l’espace et le temps, de la France au Yémen.

Et c’est aussi par le langage de la danse, danse verbale et poésie de la danse faite de symboles, de paraboles et de résonnances simples que le texte raconte l’intime de la filiation féminine à travers le temps. Le don du corps, de la souffrance, de l’abandon, de la pérennité jamais récompensée. Ce moment que peut-être seules les femmes peuvent connaître, ce moment où d’individu elles deviennent pendant un universel : l’universel miracle du don de la vie, l’universel déchirement de la douleur, l’universelle connaissance de la solitude et de la mort.

Mots qui cherchent une poésie maladroite, touchante, personnages autant traversés par la mémoire collectives que traversant le siècle passé rejoignant notre imaginaire, le spectacle exprime – presque naïvement, de manière enfantine et pourtant certainement la seule manière possible – exprime  l’extrême force et l’extrême fragilité des femmes dans ce qui était hier, et ce qui est aujourd’hui.

Non, ce dont il est question ici, ce n’est pas la féminité, mais la maternité, des premières règles jusqu’au premier accouchement. Il y a dans Monstrueuse, un Menstrueuse qui se cache, un monstre honni par l’humanité mâle, souffert par l’humanité femelle, qui traverse les civilisations, les sociétés, les morales, sans réponse. Il y a aussi celles qui défient les règles machistes d’orient ou d’occident, les belles, les héroïnes du tout petit, du combat quotidien sans nom, pour s’arracher du joug.

Bruno Fougniès

 

Les Monstrueuses

Texte Leïla Anis  ( Lansman Editeur)  
Mise en scène Karim Hammiche 
Création musicale Clément Bernardeau 
Création lumière et régie Véronique Guidevaux 
Construction Hugo Dupont 
Régie son Pierre-Emmanuel Jomard

Avec Leïla Anis et Karim Hammiche 

 

Mis en ligne le 28 novembre 2017