Lotfi Achour et ses comparses, habitués du Tarmac depuis des années, reviennent sur la Tunisie de Ben Ali. Ils s'emparent, au passage, du texte de Shakespeare (qui en a vu d'autres) et l'adaptent bien un peu pour le faire coller  à l'Histoire contemporaine. Au début, quelques images bien senties vous mettent dans l'ambiance. Puis c'est Ben Ali (rebaptisé Maczine) qu'on  évoque avant qu'il n'entre en scène. Pour la suite, le tout étant excellemment fait, nous aurons droit à un mélange de scènes et de témoignages vidéo sur le règne de Ben Ali.

Les intervenants s'expriment en arabe, de même que les comédiens, un sur titrage permettant de comprendre ce qui se dit.

Bourguiba, évincé par Ben Ali, apparait lui aussi, en poupée animée. Émotion. De même la multiplication des effigies du dictateur est d'une grande efficacité : symboliquement, ces poupées signent l'omniprésence du pouvoir et sa force : comme « ces prisonniers qui avaient tendance à saluer la veste du gardien, même en son absence », tant leur peur avait été intériorisée.

Le sentiment de culpabilité, cette hantise qui dévore, était dans la pièce de Shakespeare. Etait-il chez Ben Ali ? Par contre, on veut bien adhérer au personnage de Leila qui dit à son mari qu'elle est « pire que lui. » Lofti Achour insiste sur le fait que Ben Ali craignait les générations à venir, celles qui, comme Bourguiba, avaient étudié.

Un vieil homme revient (en vidéo) souligner qu'il y a eu un âge d'or arabe, côté civilisation ou découvertes…mais pas vraiment côté social.

C'est avec beaucoup d'intérêt…et de plaisir, qu'on suit ce spectacle, entrecoupé qu'il est par des chants : les chanteurs, portant des maillots de corps, font un pendant efficace aux intrigues du pouvoir dans les splendeurs des palais du dictateur.

S'appuyant sur les marionnettes et la vidéo, mêlant sons et images, mots et notes, voici un spectacle complet, que nous ne saurions  trop vous recommander.  

Gérard Noël

 

Macbeth : Leila et Ben – A Bloody History

D'après Shakespeare.
Adaptation : Lotfi Achour, Anissa Daoud, Jawhar Basti
Mise en scène : Lotfi Achour.
Direction musicale et chansons : Jawhar Basti

Avec : Moncef Ajengui, Jawhar Basti, Noomen Hamda, Riadh Larousse, Mariem Sayeh, Walid Soltan

Recherches dramaturgiques et interviews : Anissa Daoud.
Guitare électrique : Hamza Zeramdini.
Marionnettiste : Zied Hadhri.
Scénographie : Jean-Noël Duru.
Costumes : Slym Achour.
Création maquillage : Hind Boujemaa.
Montage vidéo : Skander Ben Halima.
Son : Aymen Laabidi.