LE ROI LEAR

Théâtre de la Madeleine
19 rue de Surène
75008 Paris
01 42 65 07 09

Jusqu’au 1er novembre
Du mardi au samedi à 20h00
Dimanche 17h00

 

Le Roi Lear loupePhoto Christian Vootz

Préparons-nous au voyage, un peu inquiétant, de ce soir à la Madeleine… De quelle manière cette illustrissime tragédie shakespearienne va-t-elle nous dévorer émotionnellement ?...

Rappelons l’histoire shakespearienne… Le roi Lear, âgé et fatigué, décide d’abdiquer et de partager son royaume entre ses trois filles, en fonction de l’amour que chacune saura lui exprimer. Les deux aînées, Goneril et Régane, sauront l’amadouer grâce à leurs paroles mielleuses. Cordélia, la benjamine et préférée du roi, refuse de se prêter au jeu de la flatterie. Furieux, il la bannit, ainsi que le comte de Kent, fidèle conseiller qui s’insurge contre l’aveuglement royal, en ayant pressenti les conséquences. Et en effet, le roi déchu sera malmené et rejeté tour à tour par Goneril et Régane, qui se sont partagé le pouvoir et l’empire. Il réalisera, trop tard et à son détriment, la portée de son irrémédiable erreur de jugement.

Que deviendra cette trame passée à la moulinette de l’esprit fécond et fantasque de Jean-Luc Revol ?

D’emblée, nous voilà rassurés par l’arrivée décontractée de l’espiègle maître de cérémonie. Cet indispensable fou du roi, bavard et attachant, a des faux airs d’un Saint-Exupéry burlesque. Il est incarné par un Denis D’Arcangelo casqué mi aviateur mi clown. Il s’amuse à nous distraire tant et si bien qu’il réussit à détendre la pesante atmosphère en dispatchant ça et là, par petites touches loufoques, et à sa manière bien particulière, ses phrases plus ou moins philosophiques, plus ou moins décalées.

En parallèle, l'infâme Edmond, dans la version d’origine fourbe amant des deux nouvelles souveraines, et fils adultérin du comte de Gloucester, manipule son propre père afin d’éloigner et de faire déshériter son demi-frère Edgar, le fils légitime, honnête et loyal.

Sur fond de temps troubles, les valeurs sont incertaines, ces deux intrigues se croisent et se relient en un vaste complot aux conséquences dramatiques.

Action amenée ici, selon la mise en scène imaginée par Jean-Luc Revol, en 1929, à la veille de la Grande Dépression. Le King est un parrain-nabab hollywoodien, lassé par le poids de son empire cinématographique. C’est un rôle qui va comme un gant à Michel Aumont, souverain cabotin et dominant, dans toute sa splendeur, même et surtout lorsque, inévitablement, il sombre dans la folie et le désespoir. Cela fonctionne, c’est indéniable, même si, dans les aléas de cette transposition, ce qui est gagné en modernité l’est forcément au détriment de la majesté.

Marianne Basler, en fille aînée machiavélique, a su trouver l’accent saccadé et la froideur germanique de rigueur.

Anne Bouvier est un pur régal de Régane : comédienne à facettes, tragédienne surprenante, elle est toujours convaincante, qu’elle soit séductrice, autoritaire, docile, amoureuse ou cruelle, elle est charmante et désarmante.

Enfin, comme toujours chez Shakespeare, les fous ne sont pas ceux qui en ont l’air, et comme toujours aussi, la féerie est présente… Ici, cela transparaît grâce à la magie de José-Antonio Pereira dans le rôle d’Edgar devenu pauvre Tom. Impressionnant et émouvant par l’intensité de toute son expression corporelle, il se transforme en cette « créature divinement sauvage, terrifiante de déchirement et de souffrance, magnifiée par son puissant instinct de survie. »

La chorégraphie est au point, les effets spéciaux très "cinématographiques" et les combats particulièrement réussis. Le décor "plateau de tournage" paraît inachevé… c’est voulu… même si par moments les panneaux mobiles, encombrants, sont visiblement lourds à déplacer !

L’ensemble est mené à un rythme soutenu tout au long des près de trois heures que nous n’avons même pas vu passer !

Alors ravis, nous ovationnons, comme il se doit, les quinze comédiens qui ont tout donné, et cette folle (et réussie) tentative de créer un spectacle d’une telle ampleur en ces temps difficiles.

Luana Kim

 

Le Roi Lear loupePhoto Christian Vootz

Le Roi Lear

De : William Shakespeare
Adaptation et mise en scène : Jean-Luc Revol

Avec : Michel Aumont, Marianne Basler, Bruno Abraham-Kremer, Agathe Bonitzer, Anne Bouvier, Olivier Breitman, Frédéric Chevaux, Denis D’Arcangelo, Arnaud Denis, Jean-Paul Farré, Nicolas Gaspar, Éric Guého, Martin Guillaud, José-Antonio Pereira, Éric Verdin

Assistant mise en scène : Sébastien Fèvre
Décors : Sophie Jacob
Costumes : Pascale Bordet
Lumières : Bertrand Couderc
Son / musique : Bernard Vallery

 

Mis en ligne le 26 septembre 2015

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