LE PÈRE

Théâtre Hébertot
78bis boulevard des Batignolles
75017 Paris
Tel : 01 43 87 23 23
Du mardi au samedi à 21h et le dimanche en matinée à 16h

 

Poignant, drôle et  intelligent !

Au lever du rideau, l'auteur (Florian Zeller) place le spectateur dans la situation d'un père vieillissant (Robert Hirsh) à qui l'on rabâche son incapacité à se débrouiller seul. Par amour, sa fille Anne (Isabelle Gelinas) s'évertue à lui faire accepter la présence constante d'une infirmière. Pourtant, lui-même sait très bien n'avoir besoin de personne, s'estimant en parfaite santé !!!

Il cherche, perd et retrouve indéfiniment sa précieuse montre, comme pour préserver l'ultime repère auquel il s'accroche pour ne pas s'égarer dans l'immensité du temps.

L'atmosphère se crispe lorsque ce même père, qui défend si âprement son indépendance, prend conscience que sa fille et son gendre (Patrick Catalifo) n'ont pas tous les jours le même visage, qu'ils tiennent des discours énigmatiques... que son appartement n'est pas le sien... et que l'infirmière ressemble étrangement à sa seconde fille Louise, décédée depuis plusieurs années.

« Tous ces mystères » rendent sa réalité de plus en plus inquiétante et même ses proches deviennent – ou « deviendraient » on ne sait plus – de plus en plus menaçants.

Comment lutter contre le complot des volontés étrangères qui cherchent à vous nuire, à vous annihiler, quand la fragilité vous rend vulnérable et sans défense ?

Par cette plongée à l'intérieur d'une mémoire qui se délite, le spectacle nous dévoile le désarroi d'un homme qui  ne discerne plus les contours du monde extérieur et qui finit par ne plus se voir lui-même. Quand la mémoire fait naufrage, l'identité se noie.

Les situations de décalage sont exprimées par F.Zeller avec beaucoup de drôlerie. La vision de cette descente inexorable aux enfers est  à la fois fascinante et effrayante. Le texte de la pièce est fort, le spectateur passe sans résistance à travers le miroir pour se perdre lui aussi dans les méandres d'un terrible désordre.

La mise en scène (signée Ladislas Chollat) colle admirablement à cette pathétique situation, les temps, les lieux sont incertains. Autour de cet homme perdu les personnages apparaissent et disparaissent comme des ombres proches et lointaines.

L'émotion, exprimée avec brio par les six interprètes, n'est nullement larmoyante mais pleine d'intensité, de pudeur ; elle tenaille le public tout au long du spectacle.

Une mention toute particulière pour Robert Hirsh dont l'intelligence, la sensibilité et l'humour donnent à son personnage une vérité époustouflante et ô combien cruelle ! On ne peut que rendre hommage à son immense talent.

Un spectacle rare à ne manquer sous aucun prétexte !

 

Nadia Baji

 

 

Le père

Auteur : Florian Zeller

Avec : Robert Hirsch, Isabelle Gelinas, Patrick Catalifo, Éric Boucher, Sophie Bouilloux, Élise Diamant

Metteur en scène : Ladislas Chollat assisté de Jeoffrey Bourdenet

 

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