LE GARÇON DU DERNIER RANG

Théâtre Paris Villette
211, av. Jean-Jaurès
75019 Paris
01 40 03 72 23

Jusqu’au 24 mars 2018.
Mardi et jeudi à 20h / samedi à 20h / dimanche à 15h30

 

Le Garçon du dernier rang loupe 

La pièce date de 2000. Elle a déjà été adaptée au cinéma par François Ozon, sous le titre "À la maison".

C'est une histoire étrange que nous conte Juan Mayorga : de rédaction en rédaction, un professeur de français se passionne, voire plus, pour les copies d'un de ses élèves, le fameux "garçon du dernier rang". Cet élève tranche, face à la médiocrité de ses camarades : il est brillant. Inspiré. Et il choisit de décrire, par le menu, les visites qu'il fait à un de ses camarades... de la classe moyenne.

Nous assistons à des scènes incluant le copain, le père, fan de foot et la mère, qui s'ennuie dignement chez elle. L'intérêt du prof, on le comprend assez vite est ambigu : est-il plus touché par le style de Tom, curieux de la vie de ses hôtes... ou autre chose ? On voit, en tout cas, comment cette histoire de devoirs de français vire mine de rien... au projet de livre. Le professeur, André s'interroge sur le titre futur de l'ouvrage et ne cesse de donner des avis critiques à son élève.

Quand il suggère à Tom de faire apparaître des conflits dans son histoire, celui-ci en trouve. Il en crée... ou en invente, c'est en fait le doute qui ne cesse de courir le long de la pièce.

La femme d'André se prend aussi au jeu. On voit même, et c'est vertigineux, deux univers qui se télescopent, quand André s'introduit dans la maison et s'y balade.

Tout finira (nous ne dirons pas comment) quand Tom entrera, enfin, dans la maison de son professeur.

La mise en scène est soignée et le décor habile, qui nous introduit dans la maison, tout en nous permettant de partager la vie d'André avec son épouse galeriste.

Côté interprétation, Sam Karmann est un prof tout en retenue, aux motivations peu claires. Son fils Martin est plus que convaincant en Tom : manœuvres et candeur, il est pile à la frontière où l'ado quitte sa zone d'incertitude pour comprendre qu'il peut jouer un rôle dans la vie... et quel rôle ! Céline Bodis et Alexandra Tiedemann sont très bien, chacune jouant sa partition de façon sûre.

Un spectacle prenant, donc.

Gérard Noël

 

Quand André, professeur de Lettres, trouve dans son tas de copies médiocres un texte bien rédigé, cela l’interpelle. D’autant plus que Tom, l’auteur, le garçon du dernier rang, crée d’emblée un jeu littéraire avec son professeur. L’histoire qu’il rédige prend la forme d’un feuilleton qui maintient André, et son épouse, en haleine. Cette dernière qui lit toujours les copies de son mari le met en garde : elle trouve ce petit jeu malsain. Pourquoi malsain ? Parce que Tom a décidé de raconter avec dérision, ironie et regard critique le quotidien de la famille d’un camarade de classe, Rafa. Pour ce faire, il se lie d’amitié avec le jeune homme, sous un faux prétexte, et réussit à s’introduire dans sa maison, partageant ainsi des bribes de son quotidien. La mère, Esther, s’ennuie, Rafa père est un peu beauf et adepte de blagues lourdingues tandis que Rafa, le fils, est un ado sans trop d’histoire.

Cette pièce de l’auteur espagnol contemporain Juan Mayorga, connu pour des textes comme Himmelweg ou Lettres d’amour à Staline, avait été adaptée au cinéma par François Ozon en 2012. Pas facile de passer après Fabrice Luchini dans le rôle du prof…. Mais San Karmann y parvient parfaitement. Son interprétation tout en justesse montre un homme ébranlé dans ces certitudes mais à la fois convaincu qu’il peut intervenir dans le récit de Tom, un récit qui pourrait être, selon l’enseignant, un bon livre. La mise en scène rend particulièrement bien le jeu littéraire et narratif, car lorsque le professeur lit une rédaction, Tom interagit avec la famille observée. Les personnages interviennent et quand le narrateur, Tom, prend la parole, la famille se met parfois comme en arrêt sur image. Ce qui est lu se joue et ce qui se joue est lu et ainsi, au fil de la pièce, une certaine tension envahit la salle. En effet, l’élève, interprété par Martin Karmann, tend à dépasser son professeur en faisant de ses interlocuteurs des personnages littéraires qu’il semble mener par le bout du nez, comme s’il s’agissait de marionnettes. Ce dernier rang donne à Tom une grande capacité à observer et à imaginer, et comme il le fait avec André, il parvient à nous transporter dans un univers fascinant et troublant.

Ivanne Galant

 

Le Garçon du dernier rang

de Juan Mayorga.
Mise en scène et scénographie : Paul Desveaux.
Assistantes à la mise en scène : Faustine Noguès et Amaya Lainez.

Avec : céline Bodis, Alexandra Tiedemann, Martin Karmann, Raphaël Vachoux et Frédéric Landenberg

Musique : François Gendre.
Création lumières : Christophe Pitoiset
Costumes : Fabienne Vuarnoz
Régie générale plateau : Pierre-Yves Le Borgne
Recréation lumière : Laurent Shneegans
Régie lumière : Thibaud Marchesseau
Régie son-vidéo : Grégoire Chomel

 

Mis en ligne le 16 mars 2018