LE FILS

Comédie des Champs-Élysées
15, avenue Montaigne
75008 Paris
Réservations : 01 53 23 99 19

Jusqu’au 14 juillet 2018
Du mardi au samedi à 20h30
Le dimanche à 16h
(Relâchedu 1er au 15 avril 2018 inclus)

 

Le Fils loupePhoto Lisa Lesourd

S’agissant de l’œuvre théâtrale de Florian Zeller, on peut se demander comment un auteur aussi jeune (né en 1979, il crée L’Autre en 2004, à l’âge de 25 ans) a pu, avec autant de perspicacité, plonger dans l’âme de personnages aussi différents qu’une femme au foyer déstabilisée par le vide de sa vie une fois les enfants partis du nid, qu’un vieil homme à qui les avancées de la maladie d’Alzheimer font perdre tous ses repères ou qu’un adolescent rongé par le mal de vivre.

Le dramaturge s’inspire-t-il de sa propre expérience, de situations dont il a été le témoin, pour décrire avec une telle justesse, une telle finesse psychologique, les affres que vivent ses personnages ?

Si, comme il le confie, « ce ne sont pas des histoires que j’ai vécues. Elles viennent à moi. J’ai même l’impression qu’elles préexistent à l’écriture et que je n’ai, en somme, qu’à les mettre en mots », nul doute qu’il y projette une certaine mélancolie qui lui est inhérente (« Être mélancolique est une nature. Des forces sombres me mettent à terre régulièrement », avoue-t-il dans une interview).

Presque toutes ses pièces, en effet, donnent de la vie une vision assez sombre et mettent en scène des personnages saisis dans une situation de crise.

Sa douzième et dernière création, Le Fils, à l’affiche de la Comédie des Champs-Elysées depuis le 3 février, ne fait pas exception à la règle.

Nicolas, 17 ans, est un adolescent fragile profondément affecté par le départ de son père, qui a fondé un nouveau foyer avec une autre femme.

Sa mère, désemparée par son comportement et dépassée par les événements, accepte qu’il aille vivre chez son père, qui fera tout son possible pour lui redonner le goût de vivre, avec l’accord tacite de sa nouvelle épouse, même si, mère depuis peu, elle n’avait certainement pas envisagé ce genre d’existence.

Hélas, les efforts conjugués de ses parents et de sa belle-mère ne peuvent rien contre le mal de vivre de l’adolescent et la pièce, qui a plongé, deux heures durant, le spectateur dans une profonde émotion, s’achève sur un constat d’impuissance.

« Cette pièce raconte l’histoire d’un père qui tente de sauver son fils, mais qui n’y parvient pas », résume Florian Zeller.

Ce thème douloureux est traité avec une sensibilité et une pudeur extrêmes, sans pathos ni effets larmoyants.

Dans le rôle de Nicolas, Rod Paradot, découvert en 2016 dans La Tête haute, film d’Emmanuelle Bercot qui lui a valu le césar du meilleur espoir masculin, est touchant de vulnérabilité, de désarroi, de détresse.

Son jeu est tellement juste, tellement naturel, tellement sans faute, tellement poignant, qu’il n’y a qu’un adjectif pour le qualifier : excellent.

Sa présence sur scène est une évidence et il prouve là qu’il est aussi extraordinaire sur les planches que devant une caméra.

Yvan Attal, dans le rôle de ce père désemparé qui décide de tout mettre en œuvre pour sauver son fils suicidaire, au détriment de sa vie professionnelle et de couple, est parfait, plus-que-parfait, mais cela n’est guère une surprise.

On connaît depuis longtemps l’acteur et réalisateur de talent, qu’on n’avait pas vu sur scène depuis Race, de David Mamet, en 2012, et son retour au théâtre est un vrai succès.

Anne Consigny est poignante dans son rôle de femme et de mère nostalgique d’un âge d’or révolu, déchirée par le mal-être de ce fils qui « n’est plus cet enfant lumineux qui souriait tout le temps ».

Quant à Élodie Navarre, elle incarne avec justesse et sensibilité cette épouse qui aide son mari dans sa démarche, tout en essayant de préserver leur intimité de nouveaux mariés et de nouveaux parents.

Les seconds rôles, Jean-Philippe Puymartin, le docteur, et Raphaël Magnabosco, l’infirmier, sont à la hauteur de la distribution.

Pour conclure, le texte, la mise en scène de Ladislas Chollat, les décors d’Édouard Laug, où l’on passe de l’appartement de la mère à celui du père, puis à l’hôpital, grâce à un ingénieux système de panneaux coulissants, le jeu des comédiens, tout concourt à faire de cette pièce un chef-d’œuvre dont on sort complètement bouleversé.

À coup sûr, il y a des Molières dans l’air !

Élishéva Zonabend

 

Le Fils

De : Florian Zeller
Mise en scène : Ladislas Chollat

Avec : Yvan Attal, Anne Consigny, Raphaël Magnabosco, Elodie Navarre, Rod Paradot, Jean-Philippe Puymartin

Décors : Edouard Laug
Lumières : Alban Sauve
Costumes : Jean-Daniel Vuillermoz
Assistants mise en scène : Grégory Vouland et Lou Monnet

 

Mis en ligne le 17 février 2018