LE BORD

Théâtre de l’Épée de Bois
Cartoucherie de Vincennes
Route du Champs de Manœuvre
75012 Paris
01 48 08 39 74

Jusqu’au 30 juin 2018
du lundi au vendredi à 20h30,
le samedi à 16h et 20h30

Le Bord loupe 

Gouffre entre les générations, difficulté de communication entre parents et grands enfants, relations familiales conflictuelles, tels sont les thèmes qu’explore Le Bord, pièce d’Edward Bond, dramaturge britannique né en 1934.
Traduite et mise en scène par Jérôme Hankins, elle est à l’affiche du Théâtre de l’Épée de Bois jusqu’au 30 juin.
Elle relate l’histoire de Ron, un jeune homme au bord d’une nouvelle vie. Il a en effet décidé de partir au bout du monde pour échapper à l’emprise étouffante de sa mère.
La veille de son départ, après avoir fait la fête avec des amis, il rentre chez lui lorsque, dans une rue déserte, il découvre un ivrogne allongé à même le sol. Il tente de lui venir en aide, essaie de le réveiller, de le mettre debout. Sans succès. Aussi, après avoir constaté que son cœur battait toujours, décide-t-il de poursuivre son chemin.
À la maison, il retrouve sa mère, assise sur une chaise, qui a passé la soirée à l’attendre.
Le dialogue s’envenime rapidement. Les reproches fusent, la mère se plaignant de l’indifférence du fils, le fils fustigeant l’attitude possessive et intrusive de la mère, avant d’aller se coucher en claquant la porte.
Mais les choses n’en restent pas là car voici que fait irruption l’ivrogne croisé précédemment par Ron. Persuadé que ce dernier lui a volé son porte-monnaie, il l’a suivi jusque chez lui et vient réclamer son dû.
Le salon, que Ron a regagné entre-temps, va vite devenir un champ de bataille où les tensions entre mère et fils vont s’exacerber et les rancœurs du vieil homme s’exprimer.
Ron, déchiré entre son désir d’ailleurs et son amour pour sa mère, voudra renoncer à son voyage mais sa mère, consciente de la nécessité de laisser son enfant voler de ses propres ailes, lui donnera sa liberté et l’envoie à l’aéroport, tandis qu’elle décide d’héberger l’étranger, fin surprenante où le vieil homme prend la place – et le lit – du fils. « Je mourrai dans son lit », conclut-il d’ailleurs.
Cette pièce, qui décrit les déchirements d’une séparation, « est une pièce modeste », confie Jérôme Hankins dans un entretien pour le magazine La Terrasse. « Deux portes, un sac à dos, un portefeuille, un couteau, une barre chocolatée. Bond crée avec une économie explosive un théâtre déployant l’humaine condition : le deuil, la perte, la séparation, le consentement, la réconciliation. »
La sobriété de la mise en scène et du décor servent ce propos. Dans la pénombre du plateau, une rue vide et déserte se transforme rapidement, grâce à un système de panneaux coulissants et l’ajout d’un mobilier succinct et rapide à installer, en un salon où se déroulera le huis-clos qui constitue l’essentiel de la pièce.
La langue est particulière, avec une syntaxe hachée faite de syncopes, d’élisions et de phrases coupées. « Ça le genre de fils que tu veux ? », demande par exemple Ron.
Les acteurs sont justes.
Françoise Gazio campe une mère fragilisée par le décès de son mari et désemparée devant ce fils qui cherche à couper le cordon et dont elle craint les humeurs imprévisibles.
Yves Gourvil, avec sa dégaine et son discours qui évoquent l’Estragon d’En attendant Godot, est très convaincant dans son rôle de poivrot vagabond.
Une mention spéciale pour Hermès Landu, tout jeune étudiant en Art du spectacle à l’Université de Picardie Jules Verne, dont c’est la première expérience sur les planches. Il interprète Ron avec authenticité et une grande sensibilité.                

Élishéva Zonabend

 

Le Bord

D’Edward Bond
Traduction et mise en scène : Jérôme Hankins

Avec : Françoise Gazio, Yves Gourvil et Hermès Landu

Assistante à la mise en scène : Aurore Kahan
Scénographie et accessoires : Alexandrine Rollin
Costumes : Hélène Falé
Création lumière : Anne Vaglio
Régie générale : Vincent Lengaigne

Production : L’outil Compagnie

 

Mis en ligne le 12 juin 2018