UNE LABORIEUSE ENTREPRISE

Au théâtre L'Étoile du Nord
16 rue Georgette Agutte
75018 PARIS
Jusqu'au 1er décembre 2012. Du mardi au vendredi à 19h30.
Samedi à 17h et 19h30
01 42 26 47 47   

Cette fois, Serge Lipszyc arrive de Corse. Dans ses valises, qu'il pose à « L'Etoile du Nord », il ramène un petit bijou signé Hanokh Levin. Et que nous raconte-t-il ? La déchéance d'un couple. Les premiers mots du mari sont d'ailleurs : « Je suis un homme fini ».La suite de l'histoire dira à quel point il avait raison.

Après vingt ans de vie commune, Yona Popokh n'a qu'un rêve : quitter sa femme Léviva. Durant toute la première partie, le couple se livre à un duel féroce. S'il devine ce qu'elle va dire (tellement il la connaît) elle a plus d'un tour dans son sac, allant jusqu'à s'inquiéter de la vie qu'il pourra avoir, après. À bout d'argument, elle lui réclame, comme un os qu'on jetterait à un chien, une dernière étreinte. Il s'y emploie, s'y efforce : ça rate. Ce qui exacerbe, bien sûr, ses reproches à elle : elle s'étend sur l'échec de la vie de Yona, assenant : « Je te connais aussi bien que si tu étais un de mes cors au pied.»

La visite, en pleine nuit, d'un voisin, le pitoyable Gounkel pourrait faire diversion. Et c'est ce qui se passe. Comme dans une des plus célèbres pièces de Courteline, les deux se retrouvent unis contre l'intrus, un insomniaque solitaire, …qui vient leur réclamer une casquette prêtée… il y a quinze ans ! Jeu de séduction entre lui et Lévina, reconduites jusqu'à la porte… Le pauvre Gounkel insiste : Pourquoi était-ce encore allumé chez eux à cette heure de la nuit ? Une dispute ? « Vous, au moins, vous pouvez vous aboyer dessus, pleurniche-t-il, moi, je n'ai personne. »

On se doute qu'après le départ du gêneur, tout va recommencer. En pire. À la fin, quand les personnages ont épuisé leurs armes, quand ils sont à bout d'insultes, se pose la grave question du monde extérieur. Des autres. Est évoqué alors, finement, la postérité, ce qu'il restera de chacun de nous après sa mort. Quel regard portera-t-on alors sur lui, sur elle ?

Dans ce tableau sans pitié qui fait le bilan d'une vie (la « laborieuse entreprise » du titre) Levin se déchaîne : Il est noir, plein de fiel et de fureur, sans une once de pitié pour ses personnages et c'est ce miroir tendu qui met les spectateurs en joie. D'autant que la mise en scène de Lipszyc est fonctionnelle, sans fioritures inutiles. Comme il le dit lui-même : « Si loin, si proche…un drap, une valise, trois acteurs, une scénographie épurée, un texte magnifique, de la musique et quelques chansons. » Les chansons sont ciselées et le jeu de Jérôme Lohier à l'accordéon, trouve sans peine sa place.

Un mot sur les comédiens : Serge Lipszyc a une présence incontestable. Il existe, même debout, bras ballants et la bouche fendue dans sa barbe poivre et sel. D'une mimique, d'un rien, il évoque tout un univers. Sa partenaire, la féline Marie Murcia, est tour à tour accablée ou triomphante. Elle provoque ou console, elle est une femme et toutes les femmes.

 

Gérard NOEL

 

 

Une laborieuse entreprise

Texte français de Laurence Sendrowicz (La pièce est éditée aux Editions Théâtrales)
Mise en scène de Serge Lipszyc.

Avec Marie Murcia, Nathanaël Maïni, Serge Lipszyc et Jérôme Lohier (accordéon)

Décor et scénographie de Sandrine Lamblin.

 

Version PDF imprimable (click droit pour I.E.)