Vladimir Jankélévitch, philosophe majeur du XXème siècle, héritier de la pensée de Bergson, et musicologue français, soucieux de transmettre, enseigna sa morale et sa métaphysique à la Sorbonne, où il marqua plusieurs générations d'étudiants par sa personnalité. Il laisse aussi une vingtaine d'ouvrages de philosophie, dont Le traité des vertus, Le je-ne-sais-quoi et le presque-rien, La mort, Le pardon...

Mais pour bien connaître l'homme dans son intimité et les évènements qui ont marqué sa vie, dont la seconde guerre mondiale et la Shoah, il faut se référer à Une vie en toutes lettres, recueil de la correspondance entretenue pendant 57 ans d'une amitié exemplaire, entre Jankélévitch et Louis Beauduc rencontré à l'École Normale Supérieure en 1922. Au travers de 137 lettres, il se confia sans détours à son ami, révélant ainsi sa soif de lumière et de reconnaissance, son rejet total de la culture allemande qu'il avait tant admirée, suite aux blessures profondes et légitimes engendrées chez lui par l'Holocauste, sa déception face à la mise à l'écart de la philosophie après 1968... Ses confidences attestent aussi de l'adéquation totale entre ses pensées et ses actes et nous incitent à ne pas désespérer de l'homme.

C'est donc de cette correspondance que se sont inspirés Bruno Abraham-Kremer et Corine Juresco pour créer La vie est une géniale improvisation, et quelle géniale idée de nous faire découvrir ou redécouvrir la pensée de Janké, qui avait l'art de traiter des sujets profonds avec un humour personnel, les rendant accessibles aux néophytes et désacralisant ainsi la philo.

Le spectacle est conçu avec originalité, Bruno Abraham-Kremer, redonnant vie à Jankélévitch, avec humour, finesse et émotion, le public ayant l'illusion d'assister durant 1h20 à un cours pendant lequel l'ennui ne s'instaure jamais, tant le sourire, le rire et les larmes se font écho.

C'est à la fin que l'émotion atteint son paroxysme, lorsque le comédien nous lit l'échange épistolaire, en 1980 entre Jankélévitch et le jeune professeur allemand Wiard Raveling, qui bien qu'innocent des crimes nazis, lui confesse en ressentir une grande honte, permettant devant cette main tendue, au philosophe de 75 ans, d'inaugurer une ère nouvelle...

Il est inutile de souligner que Bruno Abraham-Kremer, comédien et metteur en scène, fondateur du Théâtre de l'invisible, nous a habitués depuis longtemps aux spectacles de qualité, Mr Ibrahim et les fleurs du Coran, La vie, sinon rien, La promesse de l'aube...,cette fois encore il tient sa promesse et en m'inspirant de cette pensée de Vladimir Jankélévitch: On peut, après tout, vivre sans le je-ne-sais-quoi, comme on peut vivre sans philosophie, sans musique, sans joie et sans amour. Mais pas si bien», je terminerai en vous disant qu'on peut vivre sans aller écouter La vie est une géniale improvisation, mais pas si bien... Courez-y...!!!

Tanya Drouginska

 

 

La vie est une géniale improvisation

Adaptation libre et mise en scène Bruno Abraham-Kremer et Corine Juresco

Avec Bruno Abraham-Kremer

Création sonore Medhi Ahoudig
Lumière Anne Veyrat