LA SOCIÉTÉ DES LOISIRS

Petit Théâtre de Paris
15, rue Blanche
75009 Paris
Tel  01 42 80 01 81

Jusqu'au 17 novembre 2013 
Du mardi au samedi à 21h 
Dimanche à 15h

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Mis en ligne le 23 octobre 2013

La société des loisirs

Le titre peu explicite, plutôt évocateur de vacances et d'activités ludiques dissimule une des comédies les plus cyniques qu'on n'ait jamais vues.

Il faut dire que l'auteur québécois François Archambault est bien connu pour ses peintures au vitriol de la société actuelle, on lui doit entre autres le magnifique Sunderland, gros succès de la saison dernière.

Il nous donne à voir ici la destruction en direct d'un couple à qui tout semble réussir : ils ont tout, belle maison avec piscine, bons métiers, un enfant et un autre à venir, une petite chinoise, qu'ils vont adopter car revivre les couches et les nuits blanches, non merci, et une chinoise, histoire d'utiliser le piano, car ils ont remarqué que les premiers prix étaient remportés par des chinois !

Et voilà, dès le début, le ton est donné, noir, grinçant, dérangeant.

Car ce couple de rêve qui est uniquement dans le paraître ne sait plus comment combler le vide de son existence, ils sont las de tout, n'ont même plus de rapports sexuels satisfaisants, et sont exaspérés par les pleurs de leur enfant.

C'est vrai qu'il pleure beaucoup celui-là, ses cris rythment la pièce, mais il faut dire qu'avec les parents qu'il a cela dénote plutôt un bon réflexe de survie !

Des parents égoïstes, uniquement soucieux de leur petite personne, ruminant leurs insatisfactions, et qui vont chercher un dérivatif inattendu que l'arrivée d'un ami et de sa jeune compagne va cristalliser.

Tous vont alors littéralement « péter les plombs », s'empoigner, au propre comme au figuré, s'aimer, se haïr, se mentir, se révéler dans leur sordidité brutale, s‘engueuler sans retenue.

Occasion pour l'auteur de faire voler en éclats maints clichés sur les enfants, le travail, le luxe, le sexe, l'alcool, l'amitié, … Et ça boit, et ça fume, et ça s'insulte joyeusement

Notons au passage que l'on voit de plus en plus de personnages fumer sur scène – forme de rébellion ? – n'hésitant pas à envoyer les coupables volutes au nez des spectateurs des premiers rangs !

La mise en scène de Stéphane Hillel est à la fois subtile et dynamique, découpée en une succession de plans quasi cinématographiques qui imposent malheureusement l'utilisation fastidieuses de « noirs » nécessaires vu les contraintes théâtrales.

L'ensemble est sans complexe, usant souvent d'un langage plutôt cru, volontiers cruel avec de temps en temps des répliques bien vachardes.

Et le public de rire, souvent jaune, d'un rire un peu crispé avec mines plaisamment horrifiées voire accompagnées de gloussements de jeune vierge effarouchée ! Le spectacle est parfois aussi dans la salle !

Pour faire passer ce texte très « rentre dedans », livré sans inutiles précautions, au trait délibérément caricatural pour dédramatiser, il fallait des comédiens hors pair.

Et là, il faut dire qu'ils sont tous les quatre magistralement exceptionnels.

Cristiana Réali, toujours aussi délicieusement belle, campe avec dérision une bobo sur le fil mais toujours juste, Philippe Caroit qui signe par ailleurs l'adaptation joue tout en nuances une partition pas évidente, Stéphane Guillon est tout à fait jubilatoire, œil pétillant de malice comme à son habitude, jouant allègrement des contradictions de son personnage.

Face à ces trois « monstres », la jeune Lison Pennec ne démérite pas, elle seule parait encore saine, pas encore complètement prise au jeu des apparences.

On en sort en se disant qu'heureusement, tout cela n'est que du théâtre.

Ah oui ?

Nicole Bourbon

 

 

La société des loisirs

de François Archambault

Avec :  Cristiana Réali, Stéphane Guillon, Philippe Caroit, Lison Pennec

Metteur en scène : Stéphane Hillel

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