LA PITIÉ DANGEREUSE

Au Lucernaire
53 rue Notre-Dame des champs
75006 Paris.
 tél. : 01 45 44 57 34
Du 6 juin au 30 septembre 2012
Du mardi au samedi à 21h30
Les dimanches 10, 17 juin et 16, 23 et 30 septembre à 15h
Relâches les 20 et 21 juillet

Pas facile d'adapter le roman de Stefan Zweig, pavé de quelques 380 pages. Elodie Menant le fait avec bonheur, élaguant avec justesse pour ne garder que le huis-clos des sentiments dans une atmosphère tendue où l'émotion va crescendo, mettant l'accent sur les rapports humains, l'influence des conventions sociales et le poids du regard des autres.

La première scène, longue description dans le roman, est ici présentée dans le silence le plus complet, des personnages en tenue de bal, des baisemains, quelques tours de valse pour finir sur la « gaffe » du lieutenant invitant l'héroïne paralysée à danser. L'action est posée, le drame peut se nouer.

Peu de décor, quelques meubles dominés par l'imposant fauteuil de l'infirme. De très beaux costumes qui recréent parfaitement l'époque, la fin de l'Empire austro-hongrois.

Des dialogues ciselés, courts mais où chaque mot porte, une succession de scènes comme des tableaux qui s'enchaînent au son d'une musique viennoise. Silences qui en disent long.

C'est sobre mais éloquent, subtil mais intense, contenu mais émouvant.

La réussite tient énormément à l'interprétation, les comédiens sont excellents.

Elodie Menant est une Édith parfaite, d'une grâce émouvante, sincère dans ses faiblesses comme dans ses révoltes, elle nous bouleverse par un jeu sobre et efficace.

Arnaud Denisset nous fait partager avec conviction les hésitations, les colères, le désarroi du jeune lieutenant pris à son propre piège. Le père, la cousine et le médecin sont incarnés avec une grande justesse dans une mise en scène qui privilégie l'intériorisation aux déplacements intempestifs, faisant ainsi ressortir la rigidité et l'incompréhension de cette société autrichienne en fin de parcours, rehaussée de belles trouvailles : la scène des fiançailles, magnifique de simplicité et d'intensité, l'apparition finale d'Édith en costume d'hirondelle, son surnom avant qu'elle ne perde l'usage de ses jambes.

Voilà un bel exemple d'adaptation réussie à voir sans hésiter si vous aimez Stefan Zweig et une occasion à ne pas manquer de découvrir son univers si vous ne le connaissez pas.

 

Nicole Bourbon

La pitié dangereuse

De Stefan Zweig

Adaptation Elodie Menant
Mise en scène de Stéphane Olivié-Bisson

Avec  (en alternance) : Arnaud Denissel, Maxime Bailleul ; David Salles, Roger Miremont ; Elodie Menant, Jean-Charles Rieznikoff, Salima Glamine et Alice Pehlivanyan