LA MOUETTE

Théâtre de la Bastille
76 rue de la Roquette
75011 Paris 
01 43 57 42 14

Jusqu’au 1er avril
Du lundi au samedi, à 20h00 ou 21h00 (les horaires varient)

 

La Mouette loupe 

C’est la troisième Mouette que je recense pour regarts, et c’est une vision toujours renouvelée qui s’offre. Après la version noire, languissante et apocalyptique de Nauzyciel et la version grave et profonde d’Ostermeier, voici la version terreuse que livre Thibault Perrenoud. Ici, la mort ne plane pas plus au-dessus de nous qu’elle nous regarde de son lointain, car c’est de la terre qu’elle vient, de cette terre littéralement disposée au centre du plateau et de laquelle surgit Nina comme une morte-vivante au début du spectacle dans le spectacle. Un monticule de terre qui se fera plage avant de devenir, finalement tombeau recouvert d’un linceul.

À mesure que cette Mouette s’assombrit, la tension grandit mais la mise en scène de Thibault Perrenoud perd de son inspiration et de son audace initiales. Dans la (relative) bonne humeur décalée qui entoure des premiers actes, on est séduit par la complicité qui unit la troupe d’acteurs qui se ressent d’autant plus volontiers qu’ils prennent comme partenaires les spectateurs disposés tout autour d’eux. La cohérence, l’humour et la modernité qui se dégagent de l’ensemble font mouche, de même que le choix d’une traduction raccourcie et refaite pour l’occasion. Mais que gagne-t-on finalement à cette familiarité qui trompe sur l’isolement dont chacun est accablé ? Avec un grand naturel, les personnages s’appellent par leurs prénoms : Arkadina est Irène, Trigorine Boris et Treplev devient ainsi « Constant » - mais de quelle constance parle-t-on ? Le personnage apparaît, littéralement, comme un pleurnicheur presque d’un bout à l’autre de la pièce, au point d’en devenir agaçant et de rendre inaudible le sentiment de doux tragique si caractéristique de l’écriture de Tchekhov. Les derniers actes font pâle figure par rapport aux premiers et laissent aux spectateurs le sentiment de quelque chose d’inabouti. Du Tchekhov malgré lui, en quelque sorte.

Frédéric Manzini

 

La Mouette

D’Anton Tchekhov
Mise en scène : Thibault Perrenoud 
Texte français, adaptation et dramaturgie : Clément Camar-Mercier
Scénographie : Jean Perrenoud
Conception, lumière et régie générale : Xavier Duthu
Assistant à la mise en scène : Guillaume Motte

Avec : Marc Arnaud, Mathieu Boisliveau, Chloé Chevalier, Caroline Gonin, Éric Jakobiak, Pierre-Stefan Montagnier, Guillaume Motte, Aurore Paris

 

Mis en ligne le 8 mars 2017