LA MAISON DE BERNARDA ALBA

Théâtre de Menilmontant
15 rue du Retrait
75020 - PARIS
 Tél : 01 46 36 98 60

Le jeudi 30 octobre à 19h
Les mardis de novembre à 19h

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Mis en ligne le 18 octobre 2014

Texte emblématique du poète et dramaturge espagnol Federico García Lorca, La Maison de Bernarda Alba date de 1936. Et pourtant, ce « drame de femmes dans les villages d’Espagne » acquiert, grâce à la traduction et la mise en scène d'Hervé Petit, une dimension plus contemporaine et pose des questions universelles sur la condition des femmes et l'amour.

L'intrigue est la suivante : Bernarda Alba – Bible à la main et croix autour du cou- vient d’enterrer son mari et impose, pour respecter les traditions, un deuil rigoureux à ses cinq filles. Martirio, Magdalena, Amelia et Adela passeront leur vie enfermées, renonçant ainsi à toute vie extérieure, à toute forme de liberté, y compris celle du cœur, de la rencontre, du désir. Elles consacreront une partie de leur temps à broder les draps pour le mariage d’Angustias, leur sœur aînée, la seule autorisée à se marier, avec un homme du village : Pepe el Romano. Cet homme que l'on ne voit jamais est pourtant celui qui déchaîne les cœurs et attise les désirs, réprimés, des femmes présentes sur scène.

Écrasées par les murs, la chaleur, les traditions, le « qu'en dira-t-on », elles illustrent chacune à leur façon la phrase de Lorca : « naître femme est le pire des châtiments ». Il y a Martirio, l'envieuse, Magdalena, qui a renoncé à sa vie de femme, Angustias, celle qui est demandée en mariage pour son argent, Amelia, un peu spectatrice et enfin Adela, la plus jeune, la plus rebelle avec sa robe verte, la seule à avoir des fleurs sur la robe noire du deuil. Son enthousiasme, sa passion, son désir de fuir le joug maternel, sa fougue sont magnifiquement interprétés par Anna Sigalevitch. Et bien sûr, Bernarda, superbement interprétée par Emmanuelle Nocq-Saada, si masculine dans ses postures, rigide, appliquant à la lettre la tradition. Elle se veut gardienne de l'honneur sous son toit. Elle croit dominer sa maison mais n'orchestre que partiellement le bal que ses filles donnent sous nos yeux. Et ce malgré les avertissements de Poncia, sa servante qui manie l'ironie tragique à merveille. Marguerite Karcz nous offre une interprétation nuancée de ce personnage si difficile à cerner, tantôt amusante lorsqu'elle raconte son premier rendez-vous, tantôt moralisatrice.

Les choix faits par Hervé Petit, tant dans la mise en scène que dans la traduction font la part belle au drame. Il n'y a aucun artifice : les filles sont enfermées dans un décor presque nu et leur routine est destructrice. Visuellement, c'est un jeu de contrastes entre le blanc de la scène et le noir du deuil. De superbes tableaux apparaissent, comme lorsque les filles, en chemises de nuit blanches, sont debout autour de Bernarda, affaiblie, étendue sur le sol, dans son éternelle robe noire. La traduction conserve quelques images lorquiennes, comme la présence de l'eau : la soif, le désir qui hante les nuits des personnages. Enfin, le personnage de la Grand-mère, poétique, rêveuse, voire un peu folle, qui apparaît dans le texte original a disparu. Un choix d'Hervé Petit qui rend encore plus improbable une quelconque issue heureuse et renforce la situation d'enfermement. Enfermement des corps mais aussi de la pensée. Cela étant, l'adage « Traduttore, traditore » ne s'applique pas ici, car la traduction novatrice de cette pièce offre une vraie résonnance contemporaine au texte de Lorca qui voyait le théâtre comme «une école de larmes et de rire, une tribune libre où l'on peut défendre des morales anciennes ou équivoques et dégager, au moyen d'exemples vivants, les lois éternelles du cœur et des sentiments de l'homme. » Pari amplement réussi !

 

Ivanne Galant

 

La Maison de Bernarda Alba

de Federico Garcia Lorca
Traduction et mise en scène : Hervé Petit

Avec :
Samira Baibi : Martirio
Caterina Barone : Magdalena
Marguerite Karcz : Poncia
Béatrice Laout : Angustias
Sabrina Manac'h : Amelia
Emmanuelle Nocq-Saada : Bernarda
Catherine Perrotte : la servante et Prudencia
Anna Sigalevitch : Adela

Décor et costumes : Caroline Mexme
Création sonore : Viviane Redeuilh
Lumière : Kevin Delmer

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