LA CONTREBASSE

Petit Théâtre de Paris
15, rue Blanche
75009 Paris
Tel  01 42 80 01 81

Jusqu'au 15 février
Du mardi au samedi à 21h00
matinée le samedi à 16h00

 

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Mis en ligne le 23 janvier 2014

La contrebasse

Ce fut d’abord un texte. De Patrick Süskind, auteur aussi du roman Le parfum, gros succès des librairies. Un texte amer. Noir. Grave. Puissant. Et drôle. Brillant, qui nous parle de musique bien sûr, des fonctionnaires parfois, de la vie quotidienne et surtout de solitude.

Puis ce texte fut interprété sur scène par Jacques Villeret. Phénoménal.

Et voici maintenant Clovis Cornillac dans la peau de ce contrebassiste désabusé, conscient – trop conscient – du peu d’intérêt de son existence. Un Clovis Cornillac qui sait qu’on l’attend au tournant après son illustre prédécesseur qui avait tant marqué le rôle de son empreinte.

Mais voilà. Monsieur Cornillac n’est pas n’importe qui. C’est un grand, un immense acteur doté d’une présence étonnante. Et il nous le démontre ici avec brio.

Car il en faut du métier, du talent pour faire passer ce monologue d’une heure vingt, il faut savoir lancer les mots comme il convient, en extraire toute la moelle par une intonation, un geste, un froncement de sourcil, souligner une intention par un déplacement, un mouvement.

Dans un décor surprenant, que je ne dévoilerai pas, avec une mise en scène très vivante de Daniel Benoin, utilisant l’espace avec intelligence, prenant presque le contre-pied de la version Villeret, ce contrebassiste-là, moins veule, moins désespéré, est plus un géant brisé qu’un petit homme aigri sans envergure.

Il va passer peu à peu de l’amour à la haine, montant le ton au fur et à mesure que se vident les canettes de bière dont son réfrigérateur est rempli. Il nous prend à témoin, pulvérisant ce fameux quatrième mur, et on a presque parfois envie d’intervenir, de lui répondre tellement tout sonne juste.

Il nous livre ainsi des portraits au vitriol et à la fois plein d’humour, de la musique, des instruments, de ses collègues de l’orchestre, puis se livre plus intimement racontant son enfance ou son amour sans espoir pour une jeune soprano.

Et il faut le voir, se cognant d’un mur à l’autre comme un hanneton aveuglé par la lumière, tour à tour murmurant, caressant, explosant, tendre, colérique, mais toujours avec un grand naturel.

Drôle et puissant, il n’en est que plus touchant lorsque la carapace se brise.

Un anti-héros, un homme de tous les jours – soulignons le choix judicieux de la tenue vestimentaire – qui nous renvoie comme dans un miroir le reflet d’une vie qui pourrait être celle de bien des gens.

Avec le choix toujours possible d’un geste qui pourrait changer le cours des choses.

Mais qu’il faut oser accomplir…

Nicole Bourbon

 

 

La contrebasse

de Patrick Suskind
Mise en scène et lumière Daniel Benoin
Décor Jean-Pierre Laporte
Costumes Nathalie Berard-Benoin
Traduction française de Bernard Lortholary

Avec Clovis Cornillac